Le récit fantasque d'une randonnée en mer extra-sensorielle

"A l'éveil de mon somptueux combat, les côtes encore douloureuses de mes glorieux exploits, j'entrepris de vagabonder sur les côtes sauvages de l'ile aux curieux présages. Endoloris et exténué, boursoufflé et déconfit, que ne fût ma joie, lorsque jaillit de la brume, la silhouette d'une curieuse enclume. Là, posée sur le rivage, comme rescapée d'un sombre naufrage, une embarcation grotesque aux airs dantesques, sembla me supplier de la sortir de son linceul de sable.
A peine y eu-je posé le doigt, que soudain, d'un élan sibyllin, la coque se fit mouvante et glissa jusqu'en mer, me dévoilant alors son pont que je franchis sans hésitation. A peine embarqué, le mat se fit grivois, pompant nonchalamment ses voiles comme en signe de désinvolture. Un air délicieusement frais s'y engouffra aussitôt, précipitant le navire vers les eaux. Porté par un souffle enivrant, l'embarcation filait à un rythme dément, se jouant nonchalamment des mouettes et des cormorans, nous ne tardâmes pas à atteindre le plein océan.
Quelques heures passèrent ainsi avant que je n’aperçoive les lointains rivages d'une île à l'horizon.

Ce fut alors que le temps s’inversa, que le ciel se perdit en mer, que le bleu vira au vert, que le monde se divisa. Perdu dans l’espace, dans la perception de mes propres traces, j’aperçus comme jamais avant, l’orbe solaire se mouvoir autour de moi. J’étais devenu planète, astre ou prophète, je n’en saurais jamais rien. Filant comme une étoile, peintre d’une somptueuse toile, je redessinais le monde à ma façon, à mon image, à mon diapason. Puis monde le monde se reforma, puis le vert vira au bleu, puis le ciel regagna les cieux, puis le temps reprit ses droits.

Là, face à mon visage étendu, un petit bonhomme joufflu m’adressait ses vertus :
-Pardonnez ma couardise, il m'a fallu vous hypnotiser lorsque de votre pied vous vous êtes approché de mon navire égaré. Mais de grâce ne craignez rien, vous n’en conserverez qu'un lointain et vague souvenir. En revanche il est possible, qu'un effet secondaire peu délétère vous étreigne de façon pénible. En effet, il se pourrait qu'en vers, vous vous souveniez de notre voyage en mer !
Sachez également, Monseigneur du givre, que l’expédition que vous venez de vivre a conduit vos pas en un merveilleux endroit !
Là se dresse devant vous la terre des malicieux farceurs, des tendancieux enchanteurs et des malencontreux voyageurs.
Là monsieur se dresse la magnifique « Square Fall »"

Extrait du roman d’Emerald. D. Winter : «Au royaume des farceurs : Les aventures extra sensorielles d’un jeune Givriote. » p.24.