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 Pourquoi pardonner quand on peut se venger

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ebi akuma

ebi akuma


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MessageSujet: Pourquoi pardonner quand on peut se venger   Pourquoi pardonner quand on peut se venger Icon_minitimeVen 13 Mai - 16:51

N’eut été de l’apparition soudaine de cette île mystérieuse, je me serais accommodé de la personnalité de Valaskomir. Le succès dépend souvent de l’aptitude à saisir les opportunités et son navire offrait une belle occasion d’assembler les premières unités de la flotte navale que je rêvais de constituer. En réalité j’estimais à zéro les chances de revoir vivant ce bouffon de capitaine. Sur l’île, des hommes en armure s’approchaient du rivage. D’après Song qui me parut nerveux de leur approche, il s’agissait de l’armée du royaume de la terre. Vu leur distance et leur dénuement je voyais mal comment ils pouvaient nous menacer mais je décidai de ne pas traîner au cas où l’artillerie suivrait cette escouade de fantassins.
 ‘’Apportez ces habits dans ma cabine . Faites très attention de ne pas les abîmer et préparez-vous à prendre le large. La milice se pointe. Il ne faut pas traîner.''
À bord du loup des mers Drago prit la relève pour commander les matelots.
‘’Robin, la mouche, bordez la grand voile. Le vent adonne, profitons-en pour s’éloigner de la côte. Les autres, dégagez les amarres qui nous retiennent à l’autre navire et poussez le planchon. Timonier, vingt degrés à bâbord. ''
Le brigantin se mit en branle, gîtant sous la poussée latérale du vent due à la manœuvre de changement de cap. Cependant l’expertise du timonier à la barre et l’ajustement graduel de l’angle des voiles eurent tôt fait de ramener le navire dans un axe favorable et rétablir l’équilibre entre une force propulsive maximale et la stabilité du bâtiment.
Tout en se distançant de l’île, nous gardions un œil sur les soldats rassemblés sur la plage. Ces derniers se placèrent en formation et se mirent à faire d’intrigants gestes coordonnés de leur bras. Je ne fus pas le seul à me demander à quoi rimaient ces gesticulations. Mais bientôt la mer se mit à onduler, la surface de l’eau se déformant au rythme de leurs mouvements. À peine croyable, il semblait que l’eau obéissait à leur volonté, les ondulations de la vague suivant la cadence de leurs bras comme si les soldats regroupés secouaient un gigantesque tapis. Le navire de Valaskomir, plus près du rivage, tanguait et gîtait dangereusement, ballotté comme un bouchon de liège, le plancher rocheux du littoral le soulevant parfois complètement hors de l’eau. Au plus fort des secousses, une vague vint se fracasser contre la coque de notre navire pourtant à bonne distance, les éclaboussures douchant l’équipage d’une masse d’eau froide. 
‘’ Ils ne nous attaqueront pas tant que nous continuerons de nous éloigner,'' affirma Song agrippé à la rambarde. '' Et puis nous serons bientôt hors de la portée des maîtres de la terre. Leur pouvoir n’est pas sans limite, après tout ils restent des hommes. ‘’
'' Des hommes dis-tu ? Avec les pouvoirs des dieux…''
Effectivement la mer se calmait. Les soldats sur Republic Island (ainsi l’avait nommée Song) ne bougeaient plus et à présent ressemblaient à des figurines dans un jeu d’enfant. L’île mystérieuse s’estompait à nouveau dans un horizon de brouillard. Je regardai Song de plus près. Cheveux noirs, les traits fins, la peau glabre et le teint clair, d’aspect relativement fragile, le jeune garçon aurait besoin de se remplumer. Il ne semblait pas démuni pour autant. Il projetait une forme physique faite de souplesse et d’agilité propre aux adeptes de certains sports. Il pouvait avoir l’âge de mon jeune frère Ismaël. Cette pensée me tira brusquement vers un passé douloureux. Mon esprit dériva des années en arrière, à un moment précis de mon enfance, un moment gravé au fer rouge dans ma mémoire. Song parlait. Il n’avait jamais navigué. Je l’entendais mais ne l’écoutais plus, tourmenté  par la rage qui bouillait mon sang.
'' Alors, que puis-je faire, capitaine ? '' insista Song encore à mes côtés.
Je parvins péniblement à extirper mon esprit du passé et en chasser le visage de l’homme responsable de nos malheurs, de la destruction de ma famille. Je secouai la tête, regardai Song d’un œil distant,  passai devant lui et Hercule puis montai quelques marches du gaillard avant du navire  pour m’adresser à l’ensemble des matelots.
'' Écoutez ! L’idée de monter une flotte me plaisait. Je ne vous ai pas caché mon projet dans ce sens mais nous avons fait le bon choix de nous éloigner. Les habitants de cette île n’ont pas l’air des plus chaleureux. Notre équipage est maintenant complet avec les nouvelles recrues. Je vous laisse le loisir de vous présenter. Nous aurons maintenant deux charpentiers, Hercule,'' dis-je en touchant un bras massif du géant, '' et aussi un timonier d’expérience. Comment t’appelle-t-on, timonier ?''
'' Vic, mon capitaine.'' 
‘’ Le jeune homme à côté de Hercule se nomme Song. Je compte sur chacun pour accueillir convenablement nos nouveaux compagnons. Comme vous le savez j’encourage les matelots de mon équipage à diversifier leurs compétences en s’exerçant à plusieurs postes sur le navire. Il ne s’agit pas d’un caprice mais d’une nécessité. En cas d’accident ou de maladie d’un membre de l’équipage, nous ne sommes pas pris au dépourvu et  pouvons compter sur une relève qualifiée. C’est la raison pour laquelle j’insiste fortement sur la formation. Nous reprendrons également le maniement des armes et le combat corps à corps. Dans l’immédiat, nous allons mettre le cap sur le Royaume de Luvneel. J’ai une affaire personnelle à régler. Là je débarquerai avec un ou deux matelots. Le Loup des Mers pourra reprendre le large sous les ordres de Drago.''
'' Tu nous quittes Crevette ? '' demanda la mouche sincèrement concerné.
'' Pas pour longtemps. Une semaine peut-être. Le temps de régler une vieille affaire de famille.''
'' Qu’allons-nous faire, nous? ''
'' Tu n’écoutes pas la mouche. Je viens de le dire. Vous allez reprendre la mer. Dans mon absence Drago devient votre capitaine.''
'' Et si on voulait visiter l’île nous aussi,'' persista la mouche.
'' Mais pourquoi on revient là-dessus, vous connaissez les règles d’engagement. Je ne vois pas de chaînes à vos pieds. Si tu veux débarquer sur Luvneel la mouche, tu en parles à Drago. Vous n’êtes pas des prisonniers mais si vous tenez à faire partie de l’équipage, on doit pouvoir compter sur vous. Mes paroles s’appliquent aux nouveaux également. Ce n’est pas tous les jours la fête mais on survit. Je ne peux rien promettre de plus.''
Ma voix trahissait une teneur d’impatience. J’étais las, anxieux, sans trop savoir pourquoi. Je sentais un mélange d’appréhension et de nostalgie m’assaillir. Je supportais mal l’éloignement de ma terre natale et l’absence de mes proches. En dépit de l’entourage constant des matelots, le poids de la solitude pesait de plus en plus. Je descendis les trois marches et me tournai vers Song qui semblait encore attendre une réponse :
'' Ce que tu peux faire ? Observe les matelots et tu pourras décider. Je vais dans ma cabine. Je reviendrai tout à l’heure.''
La cabine m’octroyait un moment de repos, un moyen de faire le vide, de mettre les choses au clair. C’était ma bulle, un privilège du capitaine. Je m’assied sur le tabouret près de la table et trempai la plume dans l’encrier.
 
Journal de bord.
 
Notre héros connaissait bien le Royaume de Luvneel pour y avoir vécu dix-huit années de sa vie. Cette île vibrait au rythme d’un capitalisme féroce où la compétition, le profit, la domination de la finance façonnaient la vie des habitants. À coup sûr, un tel système offre un terreau fertile à la corruption. La nature humaine le veut ainsi. Autant l’odeur de  pourriture attire les rats, autant le profit attire la vermine humaine, les criminels, les escrocs. Ils s’infiltrent dans toutes les couches de la société et du pouvoir; en apprennent intimement les rouages et les failles. Il y tissent leur toile n’épargnant aucun procédé pour parvenir à leurs fins. Chantage, mensonges, meurtres, rien n’entrave leur ambition. Tout le système s’en trouve corrompu à l’os, les politiciens, juges, gens d’affaires se partageant les parts du gâteau, tous unis par la collusion et le secret. Luvneel ne faisait pas exception à la règle.
 
Crevette remonta les années dans sa mémoire. Quinze ans depuis la mort de son père. Combien de fois avait-il rêvé du jour où il pourrait le venger. Sa famille demeurait en périphérie de Porneel, une grande ville portuaire à l’embouchure de la rivière Tamac sur le versant sud du Royaume de Luvneel. Menuisier de son métier, Aristide Valkez  avait travaillé d’arrache-pied pour monter son entreprise. Limité à ses débuts à la construction de maisons résidentielles, son sens aigu des affaires et l’originalité de son architecture eurent tôt fait de catapulter sa réputation au-dessus de la mêlée. Les meilleurs architectes vinrent tour à tour cogner à sa porte au grand dam de son principal compétiteur Victor Buglorn, leader incontesté jusqu’alors dans le domaine  de l’immobilier sur l’île. Chaque contrat perdu augmentait sa frustration et quand  l’ appel d’offre du gouvernement pour la construction d’un méga-hôpital à Luvneel lui glissa entre les doigts, cet échec fut la goutte qui fit déborder le vase de la colère de Buglorn. Voyant ses commandes péricliter et acculé à la faillite à moyen terme, il manigança un stratagème diabolique pour se débarrasser à jamais de son rival. Prétextant avoir une entente à lui proposer, Buglorn l’invita sur son yacht personnel pour un dîner d’affaires. Il en profita pour mettre un puissant somnifère dans sa boisson. Aristide revint à lui le lendemain matin quand des policiers forcèrent la porte de la chambre d’hôtel où il dormait à côté d’une mineure nue et en pleurs attachée au lit. Elle porta des accusations de séquestration et de viol contre Aristide. Libéré sous caution dans l’attente de son procès, un groupe d’hommes cagoulés, les sbires de Buglorn, investirent la demeure familiale, traînèrent Aristide à l’extérieur et le pendirent à un arbre dans la cour arrière sous les yeux de son épouse et de ses enfants.  
 
Dans les semaines qui suivirent la mort de son époux, Églantine, mère de notre héros fut internée pour névrose traumatique. Un oncle prit en charge les trois enfants, Édouard, son jeune frère Ismaël et sa sœur Évanes dans une autre ville. Deux années plus tard la mère des enfants fut prise en charge par une de ses sœurs et obtint son congé de l’hôpital. Insistant pour ravoir Édouard avec elle, ce dernier avait donc vécu  avec sa mère jusqu’à son départ de l’île. Il n’avait revu son frère et sa sœur qu’une seule fois, des années plus tard.
 
Son rival hors jeu, Buglorn avait mis la main sur la compagnie d’Aristide pour une bouchée de pain et reprit le monopole de la construction sur l’île. Il s’était fait construire un manoir, véritable château bunkerisé en bord de mer. Amateur de soirées mondaines, l’individu accueillait fréquemment les notables de la région de Lunveel, pour la plupart des escrocs sans scrupules, lèche-culs,  parvenus à force de magouilles à jouer un rôle dans les affaires publiques. Tout ce beau monde se regroupait dans une grandiose salle de bal dans une aile du manoir.
 
Capitaine Crevette essuya l’humidité de ses yeux et referma le journal de bord. En dépit de son jeune âge à l’époque, il n’avait jamais oublié ce nom, Victor Buglorn, nommé depuis gouverneur de la circonscription de Porneel. Il jeta un œil amusé sur les costumes étalés sur le paillasson et sortit de sa cabine. Il voulait admirer le coucher du soleil.

 
****************
 La réputation de Luvneel dépassait de loin les frontières de North Blue. Par sa renommée planétaire de centre scientifique, l’île attirait la crème de la crème en densité cérébrale mais plusieurs postulants se voyaient refouler en raison des tests d’aptitudes démentiels. Les offres d’emplois dans les centres universitaires visaient surtout à remplacer les chercheurs victimes de dépressions ou de suicides dans ce cercle restreint d’individus déconnectés, plus près de la folie que du génie.
 
En moins de deux jours, les vents favorables nous poussèrent vers l’ouest. Nous pouvions naviguer North Blue les yeux fermés et ce point noir émergeant à l’horizon nous indiquait sans l’ombre d’un doute la fin prochaine de notre croisière. J'ordonnai qu'on change le pavillon. Debout sur le pont, les mains agrippées au bastingage, nous regardions le Royaume de Luvneel prendre forme. Sur le navire, les nouveaux avaient pris leurs marques et s’entendaient bien avec le reste des hommes. Song se montrait serviable et plaisant, amateur des sports de combats, passionné des techniques d’arts martiaux. À l’approche de l’île, il se tenait à mes côtés, les yeux grand ouverts, étonné par la découverte d’autres mondes car, à ses propres dires, son univers s’était limité à Republic Island, son île natale. 
'' Tu te demandes sans doute pourquoi je vais à Luvnell? Mon père a été tué par une canaille et je dois le venger. Vois-tu, ces costumes empruntés à ton ami Valaskomir vont me servir à approcher l’assassin. Il donne des soirées où il invite ses petits amis de la bourgeoisie. Je vais le tuer. ''
Pourquoi je lui faisais cette confidence ? Il me rappelait sans doute mon jeune frère Ismaël. Je me laissais duper par cette illusion plus ou moins consciemment. J’y trouvais un certain réconfort. À notre dernière rencontre, Ismaël avait 11 ans et nous avions pleuré ensemble. Il avait voulu venir avec moi mais c’était impossible. Évanes ressemblait beaucoup à maman. Toutes ces années sans se voir, sans jouer ensemble. Que de bonheur perdu !
'' Pourquoi es-tu parti de cette île, Song? Tu fuis, tu as tué quelqu’un?  Tu cherches l’aventure? Qui sont ces maîtres de la terre?  Ils ont levé les bras et la mer s’est agitée. Comment peuvent-ils faire ça ? Ils ont mangé des fruits du démon ?''
  
À l’approche de l’île, une terrible anxiété me triturait les entrailles. Et si je manquais mon coup ! Je ne ferais que déshonorer encore plus ma famille. Je ne savais même pas comment j’allais m’y prendre pour pénétrer les murs du manoir. Mon manque de préparation pour une affaire aussi grave ne faisait pas très sérieux. Il me faudrait improviser et compter sur la chance. Beaucoup de chance. Je creusai ma mémoire pour me souvenir d’anciens contacts. Au lycée j’avais connu un garçon avec qui je m’entendais bien et pourtant il appartenait à une classe privilégiée. Quinn Maddox. Son père dirigeait une chaîne de grands restaurants. Je pourrais tenter de le contacter, savoir ce qu’il est devenu. Sait-on jamais, il pourrait m’introduire à la grande société. Tout devenait si confus dans ma tête. Et pourtant le sort en était jeté, rien ne pourrait me faire reculer. Robin et Hercule viendraient avec moi. Nous en avions discuté en essayant des costumes dans ma cabine. Robin ne parlait pas beaucoup mais je devinais dans ses manières une certaine distinction. Habillé comme un noble, il n’éveillerait aucun soupçon. Tant qu’à Hercule, facile de lui assigner un rôle: garde du corps. Sur l’île, les gens bien nantis se promenaient toujours avec des armoires à glace pour les protéger et bien sûr, se donner de la prestance.
Le navire reprendrait la mer avec Drago pour capitaine. En temps et lieu j’enverrais un message par Paprika pour lui dire de revenir nous reprendre. Une semaine peut-être. Je ne lui demandais pas ses intentions mais j’aurais pu parier qu’il se rendrait à Sunny Grace pour montrer la carte trouvée dans la bouteille à son ami spécialiste de la géographie. Une île qui ne figurait sur aucune carte marine! Il s’agissait peut-être de Republic Island, qui sait. Une île dissimulée dans la brume, quel endroit rêvé pour cacher un trésor !


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Fa Mulan

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MessageSujet: Re: Pourquoi pardonner quand on peut se venger   Pourquoi pardonner quand on peut se venger Icon_minitimeJeu 19 Mai - 21:35

Durant deux jours le navire avait vogué plein ouest, porté par des vents puissants. Ce temps était court mais précieux, et j'avais fais de mon mieux pour m'attirer la sympathie de l'équipage. J'avais gardé en tout instant ma bonne humeur, entraînée par ce sentiment d'exaltation qui palpitait dans ma poitrine. La joie enfantine de la découverte sans doute, mais je ne m'en cachais pas.

Si la première nuit j'avais eu quelque mal à trouver le sommeil, expérimentant pour la première fois le couchage en hamac dans un navire ballottant, je m'habituai cependant rapidement à ces sensations, développant un nouveau sens de l'équilibre dont j'ignorais jusque là l'existence. J'adoptai la démarche chaloupée des marins et changeai mes habits voyants contre une tenue plus classique, plus anonyme que me céda contre quelques pièces l'un des jumeaux – Pile ou Face ? j'étais encore incapable de les différencier.

Deux jours étaient trop courts pour que je m'habitue à cette nouvelle vie, trop courts pour que j'apprenne tout ce que j'aurais voulu savoir sur la navigation, trop courts pour vraiment lier connaissance avec le reste de l'équipage. J'avais néanmoins pu prouver mon expérience dans les arts martiaux et – je l'espérais – gagner un peu le respect de ces durs à cuire. Je me plaisais à apprendre leurs techniques et leur savoir-faire, à écouter leurs récits de navigation, de tempêtes et de monstres marins desquels ressortait leur héroïsme, sans doute quelque peu glorifiés pour épater le profane que j'étais, mais sans conteste passionnants. Le capitaine était cordial, m'accordant la même attention qu'à ses hommes, écoutant avec une certaine bienveillance les questions dont j'abreuvais chacun. J'avais même parfois l'impression qu'il m'accordait une prévenance particulière. Parler de véritable confiance aurait été exagéré, mais alors qu'au loin apparaissait la silhouette indistincte de la terre, il me laissa se tenir à ses côtés et me parla d'une voix basse, expliquant le but qu'il cherchait à atteindre en venant ici et me livrant quelque douloureux passé familial. La vengeance était un état d'esprit que je pouvais comprendre et encourager sans haine. Un honneur bafoué se devait d'être défendu, il ne saurait en être autrement. J'avais plus de mal à assimiler l'idée de déguisement afin d'approcher l'adversaire. Après tout, il suffirait de demander un duel afin de pouvoir rétablir l'ordre des choses, sans avoir recours à des techniques aussi viles que l'infiltration. La pensée même d'une telle bassesse heurtait ma dignité, et pourtant je ne pouvais que percevoir tout l'intérêt de cette méthode si seul le but – la mort de celui-là même qui avait souillé l'honneur du capitaine – était considéré. Un étrange frisson, mélange d'abomination et de lucidité, me traversa le corps. Je sentais que la limite était mince entre ce que l'on pouvait réaliser par honneur et ce que l'on accomplissait au nom de l'honneur. Cette révélation, associée à cette avidité de découverte alors que l'île – Luvneel semblait-on l'appeler – approchait, me prit au ventre et me reporta sans peine à ma propre situation, si bien que je ne fus que peu surprise d'entendre le capitaine Valkez – ou Crevette comme le nommait ses hommes, bien que j'ignorais d'où venait cette appellation – m'interroger sur mon passé.

– Pourquoi suis-je parti ?, répétai-je doucement. Parce que je n'ai pas ma place là-bas tel que je suis actuellement. Je suis la honte de ma famille, et il est de mon devoir de reconquérir l'honneur que j'ai perdu.

Alors même que ces mots sortaient de ma bouche, une petite voix persifla au fond de mon esprit. N'était-ce pas là une excuse ? Était-ce vraiment l'honneur de ma famille qui me préoccupait, ou un orgueil mal placé qui me poussait à vouloir attirer sur moi la reconnaissance de mon entourage ? Partir était-il le meilleur moyen de retrouver ce que j'avais perdu – ou peut-être jamais acquis – ou bien n'était-ce comme le capitaine le supposait qu'une fuite, une échappatoire ? Avais-je vraiment soustrait mon influence néfaste à ma famille en partant, ou n'avais-je fait qu'attirer encore plus le déshonneur sur la maisonnée ? N'étais-je qu'une égoïste qui s'était éloignée pour cesser d'être blessée ? À cet instant, la dernière vision que j'avais eue de mon père me revint en mémoire, éclatante d'une fureur dont la morsure se ressentait encore douloureusement dans mon dos. Je n'avais pas fuis, j'avais été chassée. Brutalement, soudainement, et indéniablement chassée. À quoi donc me menaient ces réflexions ? Il n'était pas bon pour moi de douter. Je savais ce que j'avais à faire – ramener l'honneur sur ma famille – même si je ne savais encore comment le faire.

– Les maîtres de la terre n'ont pas agité la mer., avais-je pendant ce temps poursuivi sans y penser. Comme leur nom l'indique, ils contrôlent la terre. Ce sont les fonds marins qu'ils ont fait se mouvoir. Comment peuvent-ils faire cela ? C'est une bonne question. Même pour nous, habitants de Republic Island, savoir pourquoi une personne possède la maîtrise d'un élément et une autre non reste un mystère. Cela ne vient pas de l'alimentation cependant, les repas ne diffèrent pas suffisamment au sein de l'île pour que ce soit le cas. Quant à ces fruits que vous évoquez, je n'en ai jamais entendu parler.

Le silence retomba entre le capitaine et moi alors que nous gardions le regard fixé sur l'île de laquelle nous approchions de plus en plus, chacun perdu dans ses propres pensées.

Le temps de franchir la distance nous séparant de Luvneel, j'avais retrouvé tout mon aplomb et mon entrain. Malheureusement, celui-ci retomba quelque peu lorsque nous découvrîmes qu'une garde de plusieurs navires nous empêchait d'approcher de la côte.

– Qu'est-ce qui se passe ici ?, interrogeai-je les jumeaux, accoudés comme moi au bastingage alors que le Loup des Mers était mis à la cape, dérivant lentement dans le sens du vent.
– Tu n'as pas entendu parler du coup d'état ?, s'étonna l'un d'eux. Ton île ne peut pas être si perdue que ça !

Le second approuva les propos de son frère sans un mot. Voyant mon air perplexe, le premier me donna une grande claque dans le dos et je retins avec peine une grimace de douleur. Je m'obligeai même à sourire : j'en aurais pris pour mon grade à plier sous ce geste qui se voulait amical, d'autant plus que mon camarade ignorait les plaies qui me faisaient souffrir.

– Ok, on va te mettre au jus alors ! Pour faire simple, le roi a disparu et sa grognasse fait la loi. Et elle a interdit à quiconque de rentrer ou de partir de l'île sans avoir été cuisinés par ses chiens de gardes, cette détraquée !
– Alors nous sommes bloqués ?
– Bah, le cap'taine va bien trouver une solution. Et puis il n'a pas besoin de nous cette fois, alors on n'est pas obligé de tous débarquer, juste lui, l'Archer et le grand gaillard qu'est arrivé avec toi.

Je hochai doucement la tête, retenant ma frustration. Un nouveau monde dont j'ignorais tout se trouvait là, juste devant moi, et je n'étais même pas fichue d'y aller ! Et apparemment, mes projets d'exploration n'étaient pas prévus dans les plans de Crevette. À moins... à moins que je ne réussisse à le convaincre que je pouvais l'aider dans sa vengeance. Mais dans ce cas je serai impliquée dans ce qui mènerait à une mort – celle du capitaine ou de son ennemi. Étais-je vraiment prête à aller si loin ? Bien sûr je ne serais pas amenée à porter le coup de grâce, et peut-être même pas à participer à l'affrontement, mais les nomades de l'air m'avaient appris la valeur sacrée de la vie, et ne serais-je pas complice simplement en prêtant main forte ? Si, évidemment. Mais j'étais, plus ou moins malgré moi, entrée en relation avec des pirates, et la plupart des hommes ici devaient déjà avoir du sang sur les mains. À les côtoyer, je finirais comme eux, à moins d'éviter les conflits, ce qui serait preuve de lâcheté, ou d'user de malice. Quitte à choisir, je préférais cette dernière option.

– Eh, le freluquet, tu dors debout ?, me chambra mon camarade.

Je pris une mine faussement outrée par cette accusation, ce qui le fit rire, mais ne rejetai pas cette appellation dont il m'avait pourvu dès que nous avions eu à nous confronter lors de l'une de ces séances d'entraînement établies par le capitaine. Puisque je m'avançais sur le chemin de la ruse, autant commencer dès à présent, et ce surnom me rabaissait, me faisant paraître petite et faible. Bien que je sois réellement d'une taille peu impressionnante. Mais cela ne faisait que servir mes ambitions.

– Désolé, Pile, faut que j'aille parler au capitaine.

J'avais lancé le surnom au hasard, espérant tomber juste, et le garçon me sourit à pleines dents, visiblement heureux que je l'aie reconnu. Pile le bavard et Face le silencieux. Je m'en souviendrai à présent. Je me détournai des jumeaux et cherchai le capitaine du regard. Je le trouvai immobile près de la poupe, songeant certainement à une solution, et m'approchai avec un air assuré.

- J'ai repensé à ce que vous avez dit, à propos de vous infiltrer dans une soirée bourgeoise, et il y a un détail qui me tracasse, capitaine., annonçai-je tout de go, espérant ainsi capter son intérêt. Lors de ce genre de réceptions, il est courant de venir accompagné. Par une femme. Vous attireriez moins l'attention avec une compagne à votre bras. Je laissai passer un court silence. Comme vous le savez, je n'ai jamais quitté Republic Island avant, et je mentirais en disant que je ne souhaite pas profiter de l'occasion pour voir à quoi ressemble une autre île. Alors si c'est le seul moyen pour que je puisse le faire, ça ne me dérange pas de me... travestir pour vous aider.

J'avais hésité un instant sur la dernière partie de ma phrase, m'étonnant moi-même de prendre le fait de porter un habit féminin comme un déguisement. J'espérai seulement que mon hésitation n'allait pas faire douter l'homme de ma résolution. Néanmoins les choses étaient dites et il ne me restait qu'à attendre la décision suprême du capitaine. Et réfléchir à un moyen d'accéder à l'île.

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MessageSujet: Re: Pourquoi pardonner quand on peut se venger   Pourquoi pardonner quand on peut se venger Icon_minitimeSam 28 Mai - 13:50

Des bateaux de plaisances aux navires marchands, la marina de Porneel offrait des stationnements pour les embarcations de toutes tailles. Une fois accostés dans le réseau de plates-formes flottantes servant également de quais pour rejoindre la terre ferme, les visiteurs devaient sortir de la zone industrielle pour accéder au centre-ville de Porneel. De nombreuses voitures hippomobiles  attendaient à toute heure du jour pour véhiculer les voyageurs arrivés de la mer.

Va pour la théorie, fallait-il encore pouvoir l’approcher cette marina. J’avais eu vent d’un coup d’état sur l’île mais instaurer un véritable blocus maritime pour coincer trois lascars en cavale deux ans après les faits, relevait de l’obsession. Pour autant que l’on sache les pauvres bougres mangeaient des pissenlits par la racine depuis des lunes ou croupissaient dans un cachot humide oublié dans les souterrains du château. Un tel dispositif de verrouillage des ports n’augurait rien de bon.. Ça signifiait que la Reine dont personne ne contestait la réputation de vipère régnait sur l’île d’une main de fer en se servant de ce prétexte pour asservir le peuple et supprimer toute opposition à son règne.

À la vue des frégates de la marine positionnées à intervalles pour contrôler tous les accès au port, je compris qu’il fallait revoir mon plan original du tout au tout ou rebrousser chemin. Les rouages dans ma tête tournaient à plein régime. Il me fallait de toute urgence décider d’une ligne de conduite alors que nous dérivions vers l’île. Je pesai les options.  Se faire passer pour des marchands ? Hors de question, nous avions trop l’air de pirates pour prétendre le contraire. Soudoyer les gardes ? La tentative pourrait se retourner contre nous et nous valoir de visiter les cachots de la Reine à notre tour. Créer une diversion ? D’accord mais comment ? Nous étions encore trop loin du port pour provoquer un événement. Mon cerveau en surchauffe désespérait de trouver une ruse pour déjouer le barrage. Song s’approcha :
‘’J'ai repensé à ce que vous avez dit, à propos de vous infiltrer dans une soirée bourgeoise, et il y a un détail qui me tracasse, capitaine. Lors de ce genre de réceptions, il est courant de venir accompagner. Par une femme. Vous attireriez moins l'attention avec une compagne à votre bras. ''
Il marqua une pause. Pour dire vrai je n’écoutais que d’une oreille, ma concentration encore focalisée sur un moyen d’accéder à l’île sans provoquer de panique. Song voulait venir sur l’île.  
‘’ Alors si c’est le seul moyen pour que je puisse le faire , ça ne me dérange pas de me…travestir pour vous aider. ‘’
Il était même prêt à se déguiser en femme. Je me montrai ni surpris ni scandalisé par sa suggestion, le déguisement n’étant pas exclus de l’arsenal du pirate, mais le séjour sur l’île n’occupait plus le premier rang dans mon esprit .
‘’Je garde en tête ta suggestion, Song. Pour le moment je cherche un moyen de débarquer sur l’île sinon rien ne sert de planifier la suite. J’y reviendrai toutefois.‘’
Je regrettai un moment Valaskomir et son navire. Nous aurions pu nous glisser parmi son équipage. D’autres options me vinrent en tête. Nager sous l’eau ? Nous avions des bagages à apporter. Demander à Robin de tirer une flèche de feu ? Nous étions trop loin. Paprika ? Que pourrait-il faire le pauvre? Le ciel se chargeait de nuages. Il ne restait que cette solution, attendre la nuit et approcher sous le couvert de l’obscurité. Une nuit sans lune nous permettrait d’accoster sur l’île avec la chaloupe. Rien de génial ou sensationnel mais, en cas de succès, la méthode nous permettrait tout au moins de s’y rendre sans signaler notre présence. Dans moins de trois heures l’obscurité voilerait nos mouvements. Les frégates ne bougeaient pas. La décision fut prise.
‘’ Nous allons poursuivre notre route vers le nord. Lentement ! Si une des frégates décide d’ arraisonner notre navire, nous allons à Sleepy Tree. ''
J’expliquai ma décision à l’équipage et demandai au timonier de corriger la barre de quelques degrés à la fois. Je craignais que les marines nous prennent en chasse en effectuant un changement de cap trop brusque mais il n’en fut rien. Les frégates au nombre de quatre semblaient se concentrer seulement sur les entrées et sorties de la marina. Leurs ordres se limitaient sans doute à vérifier le trafic et non à donner la chasser aux navires, en fut-il un de pirates.
                   
Je m’intéressai à nouveau à la suggestion de Song. Lisait-on les pensées sur son île en plus de commander aux éléments?  La même idée m’avait trotté dans la tête. Avec ses traits juvéniles, sa peau lisse, un peu de maquillage et du rembourrage à la poitrine, bien malin qui aurait pu contester sa…féminité. En acceptant la suggestion de Song, Robin devenait moins utile. De plus, Drago aurait vu d’un mauvais œil perdre un archer pareil, capable de toucher sa cible à cent mètres, un atout considérable autant pour la défense que l’attaque. Tant qu’à Hercule, au vu de la conjoncture actuelle sur l’île, il risquait d’attirer l’attention. Valait mieux prendre la mouche. Sa capacité d’escalader les murs pourrait s’avérer indispensable. Ces facteurs pris en compte, je tournai mon regard à nouveau vers Song :
‘’J’aime autant te prévenir, en débarquant sur cette île, nous allons mettre les pieds dans un sale merdier. Il pourrait même s’avérer plus facile d’y entrer que d’en ressortir.  ‘’
Les avertissements ne semblèrent pas décourager le garçon. Par le temps que le soleil se couche, le Loup des mers avait parcouru environ trois lieues. Il ne pleuvait pas malgré des nuages menaçants. Nous avions discuté de notre projet, préparé nos valises sans trop les charger. Quelques vêtements de rechange, c’est tout. Nous avions recouvert tout ce qui pouvait briller dans le noir, enlevé colliers et bagues, dissimulé nos sabres et les pistolets dans le fond de la chaloupe. Nous avions même noirci nos visages avec de la suie de charbon provenant de la cuisine du cuistot. Pour les besoins de la cause nous allions laisser tomber les surnoms. Ils pouvaient donner de faux prénoms s’ils le désiraient. La mouche devint Gontran,  Song resta Song  pour le moment, et moi… eh bien, ils m’appelleraient Sire, en temps et lieu, un terme plutôt vague et amplement utilisé par la bourgeoisie. Les jumeaux allaient venir avec nous pour ramener la chaloupe. Au moment de partir, les hommes vinrent nous souhaiter bonne chance, nous serrer la main. Nous avons ensuite pris place dans l’embarcation. Il faisait un noir d’encre. La masse de l’île au loin se détachait à peine du firmament en arrière-plan. J’espérais, sans trop y croire, accoster à un endroit que je connaissais bien, la grotte du rang du pendu. Pour les premiers kilomètres nous avons pu ramer normalement mais dans le dernier droit, à un kilomètre de la côte, il a fallu ralentir la cadence. Nous avons ramé sans bruit, en prenant bien soin de manier les rames avec douceur, sans un mot, retenant même notre souffle par moments. Nous étions aveugles, vulnérables, à la merci des éléments et du hasard. Rien ne sert de prétendre le contraire, la tension montait, nous opprimait. Le trajet sembla durer des heures, comme si nous étions prisonniers d’une boucle spatio-temporelle dont on ne sortirait jamais. Je ne sais pas ce que les autres vivaient mais les sueurs perlaient sur mon front. Je m’imaginai  enfermé dans un cercueil, coincé dans un espace noir comme du goudron, le seul bruit dans mes oreilles provenant des battements de mon cœur. Gamin, pour ignorer ma peur, je sifflotais  en traversant le parc pour revenir à la maison. C’était stupide au fond, je révélais ma position aux monstres tapis dans les bois et aux goupilous* qui suçaient le sang des enfants. En ce moment, j’avais envie de siffler pour exorciser les démons de mon angoisse. Soudain la chaloupe toucha le fond, glissa sur le sable et s’immobilisa.
‘’ On est rendu,’’ chuchota un des jumeaux.
Je ne pouvais le croire, nous étions rendus sur la plage et encore vivants. J’éprouvai un état de bonheur inqualifiable, proche de l’extase. J’aurais pu crier pour expulser la pression accumulée tout au long du parcours. J’écarquillai les yeux au maximum pour percer la noirceur. Nom d’un chien, nous arrivions en plein vis à vis de la grotte. La chance tournait en notre faveur, enfin ! Dans l’eau jusqu’aux genoux nous avons pris nos effets, j’ai donné à chacun des jumeaux vingt berrys pour les récompenser et leur chuchotai de s’en retourner sans perdre de temps. Nous avons poussé leur chaloupe qui disparut dans l’espace de dix mètres tant il faisait noir. Un fanal allumé sur le Loup des mers les guiderait pour leur retour. La confiance me revenait. Je connaissais bien les environs pour avoir joué ici dans mon enfance. Il ne restait qu’à gravir un monticule, traverser un champ et prendre un sentier qui débouchait sur Marine Drive. Cette avenue longeait la côte pour des dizaines de kilomètres, traversant plusieurs secteurs de la ville. Nous pourrions facilement nous rendre au centre-ville de n’importe quel point d’entrée. Même à cette heure il pouvait y avoir du trafic.
Nous sommes parvenus au bord de la route comme prévu et marché en direction du centre-ville sans oublier de nettoyer la suie de nos visages. Une quinzaine de minutes plus tard, on entendit  les clochettes d’un coche ou d’une carriole tinter de plus en plus près. À son approche nous l’avons sifflé ; le coche s’est arrêté. Je montai sur le marche pied pour m’approcher du conducteur.
‘’ Bonsoir mon brave, nous revenons d’une randonnée pédestre dans la campagne et nous voulons retourner à notre hôtel, l’Hôtel du Manoir. Auriez-vous l’obligeance de nous y conduire, je vous prie,'' dis-je en posant discrètement un billet de 10 berrys dans la main du conducteur barbu.
En chemin, le cocher nous expliqua de fond en comble comment il avait modifié son chariot dont il se servait pour livrer des marchandises et prendre des clients. Il revenait justement d’une livraison  de moulée chez un fermier. Il s’agissait en fait d’un chariot à quatre roues modifié en carrosse rudimentaire et tiré par un seul cheval. À l’approche du centre-ville, nous étions surpris de voir la rue principale éclairée, quoique faiblement, par des sources lumineuses perchées au sommet de poteaux. Le cocher nous expliqua qu’il s’agissait de la dernière invention des génies de Luvneel, des réverbères alimentées à l’huile végétale, que des employés de la municipalité  devaient réapprovisionner à tous les jours. Une fois en face de l’hôtel, je remis au cocher une somme additionnelle pour le trajet et il poursuivit sa route en nous saluant. L’avenue en gravier compactée était déserte. Presque vingt-deux heures. Je m’approchai de mes deux complices. Nous pouvions enfin nous voir.
‘’ Nous allons nous séparer. Mieux vaut ne pas être vus ensemble. Je vais me rendre chez ma tante Rosita pour prendre des nouvelles de ma famille et m’informer des changements depuis l’accession au trône  de la Reine. Ne prenez pas une chambre à cet hôtel. Allez vous inscrire à l’autre là-bas. Mais pas ensemble. Et gardez un œil sur l’Hôtel du Manoir. Si les marines se pointent ça voudra dire que le cocher est un délateur et a signalé la présence d’étrangers sur l’île. Pour les premiers jours nous venons ici en éclaireurs. ''
‘’ Je n’ai pas assez d’argent pour une chambre à moi tout seul. ‘’ chuchota la mouche.
‘’ Je vais vous en donner avant de partir. Gontran ! Ouf... ça fait bizarre de m’habituer à ce nom. Tu peux parler plus fort maintenant. Gontran, tu vas rester au centre ville. Mêle-toi à la population, va dans les bars, tends l’oreille, essaie d’apprendre ce que tu peux mais sans poser de questions. Garde un profil bas. N’oublie pas que la reine doit avoir ses espions plantés un peu partout. Je veux savoir ce dont les gens parlent. Demain essaie de te procurer un câble fin mais solide, assez long pour grimper un mur d’une quinzaine de mètres. Toi Song, essaie de te procurer une carte récente de la ville. Il doit bien y avoir des librairies, une bibliothèque dans cette ville. Ne me demande pas où, je sautais les cours de littérature au lycée. Demain, n’oublie pas de visiter les boutiques, fais du lèche-vitrine pour une robe de bal. C’est pour ta copine. Pour sa graduation. N’achète rien bien sûr. Juste au cas où … tu sais, on en a parlé. ''
Pour finir, je taquinai un peu Song, histoire de dédramatiser la situation.
‘’N’oublie pas de passer chez le barbier,'' dis-je en frôlant son menton du revers de mes doigts. ''La mouche, euh Gontran, si on te questionne, toi tu cherches un emploi. Dans quel domaine ? À toi de voir.’’
Je donnai à chacun suffisamment d’argent pour leurs dépenses.
‘’Bonne chance à tous les deux  et on se retrouve demain vers 18 heures. Rendez vous au casse-croûte Chez Caspar, environ trois rues dans cette direction.. Ah oui, ne laissez rien dans la chambre. J’ignore où on passera la prochaine nuit. Je vais penser à nous trouver une planque sûre. ‘’


* goupilous: Ne cherchez pas dans le dictionnaire , je viens de l'inventer. Un monstre, un goule pour faire peur aux enfants. Alors, faites attention aux goupilous, mes p'tits crapauds.

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ebi akuma

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MessageSujet: Re: Pourquoi pardonner quand on peut se venger   Pourquoi pardonner quand on peut se venger Icon_minitimeMar 5 Juil - 3:14

Une fois séparé de Song et Gontran, je m’engageai dans les ruelles du centre-ville, mes vêtements sombres diluant ma silhouette parmi les ombres de l’obscurité. J’avançai dans le silence tel un malfaiteur, longeant les haies, les buissons, provoquant parfois l’aboiement d’un chien zélé prenant à cœur son rôle de gardien. À cette heure tardive, les ruelles ne servaient plus que de territoire pour un matou occasionnel à la recherche d’une conquête. Ce trajet m’était familier pour l’avoir parcouru tant de fois à l’adolescence lors de sorties en ville pour faire des commissions ou juste voir un ami, flâner ou vadrouiller à travers les rues. Bientôt je reconnus les contours de l’école primaire, il ne restait qu’à prendre le sentier le long de la clôture, traverser le parc pour déboucher sur le terrain de la ferme de tante Rosie et oncle Gustav.
Une source de lumière vive éclairait la fenêtre du salon. Un chien jappa deux fois et j’entendis sa course à travers le foin de la cour arrière. Il s’agissait de Grisou, notre Labrador. Il hésita un instant, me reconnut et tenta de grimper sur moi. Je le flattai abondamment et lui donnai un bisou sur le museau en l’intimant de se calmer.  
'' Qui va la? Montrez-vous ou je tire, '' ordonna une voix que je reconnus.
Ismaël se tenait sur le porche, une arme au poing.  
''Ismaël ! Mais que fais-tu ici ? Tu ne vis plus chez oncle Hamel? ''
'' Quoi ! Éddy? C’est pas possible. D’où tu sors ? Entre vite. Je croyais avoir affaire à un voleur. ''
À peine la porte traversée, Ismaël me sauta dans les bras.
''Ismaël, mais arrête. Tu m’embarrasses avec tes embrassades. Tu es pire que grisou.''
'' Je suis tellement heureux de te voir. ''
'' Je vois ça. Moi aussi je suis content de te voir. Et Évanes? Elle est ici? Elle va bien ? ''
'' Oui elle va bien mais elle est restée chez oncle Hamel. Moi je viens seulement pendant les vacances et les fins de semaine. J’aide sur la ferme quand oncle Gustav part au chantier. Je me fais des sous.''
'' Laisse-moi te regarder un peu. Comme tu deviens un beau jeune homme. Combien de cœurs as-tu brisés déjà ? ''
'' Un seul mon frère. Le mien. Les choses ont tellement changé ici. Nous devons en parler. Maman dort et aussi tante Rosie. Et oncle Gustav ne revient pas du chantier avant une dizaine de jours.''
'' Ne les réveillons pas. Je les verrai au matin. Profitons-en pour jaser un peu.''
'' Tu veux boire quelque chose ? J’ai de la bière. ''
'' Oh que oui !Toute cette marche m’a foutu par terre. Pour éviter les marines nous avons dû contourner le port.''  
'' Donne-moi une minute, je vais chercher des bouteilles dans la chambre froide. ''
Je regardai Ismaël se diriger vers la porte du sous-sol. Il n’avait plus rien d’un gamin. Un physique tout en muscles. Des cheveux courts, bien coiffés. En un rien de temps il remonta de la cave, ouvrit une bouteille et me la tendit.
'' Tu as dit nous. Tu n’es pas seul ? ''
Son visage dégageait une expression de candeur, de confiance enfantine. Des yeux vifs me regardaient, inquisiteurs, bleus comme les miens.
'' Je suis venu avec deux de mes matelots. Ils sont restés à l’hôtel. Mais c’est quoi ce fanal? Ça éclaire le salon comme en plein jour. ''
'' Ils appellent cela un fanal au gaz. On se modernise mon frère. Tu vas rester cette fois ? Sinon je pars avec toi. ''
'' La vie de pirate n’a rien d’une sinécure, tu sais Ismaël. Tu as un bien meilleur avenir ici. ''
' Il n’y a plus d’avenir sur cette île pour les gens ordinaires. Il ne fait plus bon y vivre. Depuis que cette chipie de reine a pris le contrôle, la vie a bien changé. L’armée a prêté allégeance à cette folle et les soldats en profitent pour s’en mettre plein les poches. Ils agissent comme des brigands. Plus personne n’est en sécurité. La moindre critique peut te mener en prison ou pire, à la morgue. Et il y a des collabos dans la population, on ne peut plus faire confiance à personne.  ''
'' J’en ai entendu parler à travers les branches. ''
'' Mais les gens se rebellent. Les gens s’arment. Plusieurs s’entraînent au combat. À toi je peux bien le dire, je fais partie de la résistance. Nous aurons bientôt notre armée pour les combattre.''
La façon dont Ismaël s’approcha pour me chuchoter ce détail démontra clairement la gravité de la situation sur l’île. Par réaction je répondis également à voix basse.
'' D’après moi vous faites erreur sur la stratégie à suivre. Ça ne sert à rien de combattre les soldats car ils en enverront d’autres plus violents encore et la situation va dégénérer en guerre civile et tout le monde va se faire massacrer. Une seule personne a causé tout ce bordel. Il faut la faire tomber et retrouver le roi pour que tout rentre dans l’ordre. Quant aux trois personnes qu’ils recherchent…''
'' Bof…eux sont partis depuis longtemps. On ne sait pas comment mais ils ont quitté l’île. D’après des témoins crédibles ils se sont évadés de leur cellule et ont tués des dizaines de gardes avant de lever le camp.''
Ismaël suggéra qu’on apporte nos breuvages dans sa chambre pour plus de discrétion.
'' J’y pense,  tu ne m’as pas dit comment tu vas, pourquoi tu viens sur l’île?''
Nous avons parlé longtemps calant bière sur bière tant qu’à la fin, la fatigue pesant sur mes paupières, je me suis endormi tout habillé sur le lit d’Ismaël. Je ne lui ai pas révélé la vraie raison de ma venue sur l’île. L’impliquer dans une affaire personnelle ne servirait à rien. Il n’avait aucun souvenir des événements relatifs à la mort de notre père. Je l’incitai à patienter jusqu’à mon retour avant de s’impliquer trop dans la résistance. Nous allions former une équipe pour faire tomber la reine.

Au matin dès mon réveil, je fus soumis encore une fois à un assaut d’accolades et de bisous. De tante Rosie cette fois. Elle n’avait pas changé la Rosie, image typique de la nounou enrobée dans sa robe fleurie imprégnée de l’odeur des biscuits au gingembre. Tellement gentille ! Je fus heureux de la revoir, c’était comme de retrouver un morceau intact de mon enfance. Par contre, maman ne me reconnut pas. Elle se berçait inlassablement en fixant le plancher, une tristesse infinie figée dans son regard. Pour ne plus souffrir, elle s’était déconnectée de la réalité. La voir dans cet état raffermit ma détermination à venger nos vies brisées.  

À l’extérieur le soleil brûlait comme une fournaise déréglée. La journée s’annonçait torride. Sur le porche arrière j’humai l’air de la campagne en m’étirant de tous mes membres. L’odeur du foin et du fumier ravivèrent un tas de souvenirs agréables. J’avais aimé mon enfance à Porneel malgré la pluie d’emmerdes pissant sur ma personne par intermittence. De par sa situation géographique et son climat, la ville offrait un cadre de vie agréable. La proximité de montagnes proposait une palette intéressante de loisirs entre les randonnées dans les bois, l’alpinisme et le ski en hiver. La ville bénéficiait en ce sens d’un  double avantage économique, attirant d’un côté les voyageurs de la mer en raison de son port et offrant par la diversité de ses richesses naturelles une complète autonomie aux habitants de la région. Avant sa mise à l’écart, le roi Alcyor XVII, issu d’une longue lignée de monarques, laissait aux habitants toute liberté pour gérer leur vie sociale et professionnelle. Lui s’occupait en premier lieu des affaires de politique extérieure et de défense nationale tout en gardant un œil sur le volet de l’économie. Il ne craignait pas à l’occasion d’intervenir pour défendre les gens vulnérables contre les abus de marchands trop gourmands. On disait qu’il était un bon roi.  

Pour déjeuner tante Rosie nous concocta sa fameuse omelette avec jambon, café et galettes au beurre. Mes préférées ! L’ambiance chaleureuse me rappela le bon vieux temps, pourtant pas si lointain. Pourquoi se lasse-t-on même du bonheur !  J’en profitai pour prendre un bon bain avant de partir. Rosie tailla mes cheveux trop longs. Ismaël me prêta une chemise en tissu léger. Après les au revoir, je piquai à travers champ, chemise grise et pantalon noir, un pistolet camouflé sous ma large ceinture, mon sabre d’abordage dans son étui et une casquette au lieu de mon tricorne. Mon portrait ne figurait sur aucune liste de recherche. Si un soldat tentait de me harceler je n’hésiterais pas à lui faire la peau.  

Je pensai à Song et Gontran. Nous devions nous rencontrer vers 18 heures au casse-croûte chez Caspar. Nous voulions nous immiscer parmi les invités d’un banquet prévu dans les prochains jours mais il restait de nombreux détails à clarifier.  


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Fa Mulan

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MessageSujet: Re: Pourquoi pardonner quand on peut se venger   Pourquoi pardonner quand on peut se venger Icon_minitimeVen 29 Juil - 11:55

Il n'avait pas été compliqué pour la mouche et moi de réserver des chambres sans attirer l'attention : le propriétaire de l'établissement semblait bien plus enclin à lire la Gazette de la Mouette qu'à nous poser des questions. La chambre que je louais n'était pas bien grande, sans rien d'inutile : un lit, une commode, et c'était tout. Mais cela était amplement suffisant étant donné que je n'avais pas l'intention de m'y attarder. Et surtout, j'avais vue sur l'Hôtel du Manoir pour surveiller tout mouvement suspect de la garde.

Je dormis comme un loir et le matin arriva suffisamment vite, avec son lot de devoirs à accomplir. Encore pour l'heure vêtue comme un homme, je pris un rapide petit-déjeuner et partis en quête d'une carte de la ville. Je m'engageai dans les mêmes rues que la veille, cette fois ayant retrouvé une animation plus ordinaire et observai les hommes et les femmes qui marchaient de bon pas pour se rendre à leur lieu de travail. D'autres avaient déjà ouvert boutique et interpellaient les passants à grands cris, essayant par tous les moyens de capter l'attention d'un éventuel client. Se faufilant dans la foule, leur sac sur le dos pour se rendre à l'école, des enfants couraient et riaient ou traînaient les pieds d'un air maussade. Des odeurs de pain chaud flottaient dans l'air aux abords des boulangeries, mêlées aux effluves d'une poissonnerie toute proche. Des tintements de fer battu s'échappaient de l'atelier d'un forgeron, marquant un rythme que suivaient inconsciemment les passants. Cessant mon espionnage de cette vie quotidienne, je me focalisai sur ma mission et repérai bientôt une librairie à la large devanture. Je poussai la porte, et mon intrusion dans ce lieu fut marqué par le tintinnabulement d'une clochette. Malgré cela, mon entrée passa tout à fait inaperçue, le son de la petite cloche recouvert par les éclats de voix de deux clients qui semblaient se disputer un objet. Derrière son comptoir, le propriétaire se rongeait les ongles, visiblement inquiet de la tournure des choses et ne parvenant pas à calmer les deux hommes. Je vis presque un éclair de soulagement traverser son regard lorsqu'il réalisa ma présence et qu'il se précipita vers moi avec un sourire crispé.

- Bonjour, jeune homme !, me salua-t-il nerveusement. Ne tenez pas compte que cette agitation, s'il-vous-plaît. Dites-moi ce que vous désirez, à l'exception d'une carte de la ville ?
- Je voudrais une carte de la ville., répondis-je.
- Je suis en rupture de stock., soupira l'homme. Tout ce qu'il me reste, c'est une carte de l'île avec un zoom sur Porneel mais...
- Je la veux !

Mon interlocuteur explosa en sanglots, puis me désigna en hoquetant les deux hommes qui continuaient de crier et de s'agiter. J'esquissai un sourire désolé à l'intention du libraire, à présent écroulé sur son comptoir et tentant sans résultat d'essuyer le flot de larmes qui lui échappait. Je n'avais cependant pas de temps à perdre à le consoler, j'avais une mission à accomplir. Je m'approchai des deux clients, avisant rapidement la carte qu'ils tenaient tous deux et tiraient pour essayer de s'en emparer.

- Lâchez ça ! J'en ai besoin pour mes recherches !, hurla un homme d'âge mûr, au crâne en partie dégarni.
- Vos recherches sont ridicules !, riposta un individu plus jeune. J'ai besoin de cette carte pour mon cours !
- Ridicules ?! C'est vous qui êtes ridicule !

C'est cette conversation qui est ridicule., songeai-je. Pourvu qu'ils n'abîment pas le plan !

- Ah ! Vous n'avez plus de répartie !, fanfaronna le deuxième homme. Alors maintenant cédez-moi cette carte, je dois l'utiliser pour mon cours de toponymie !
- Je doute seulement de l'intérêt de polémiquer avec vous, jeune homme !, grogna le premier. La toponymie ! Utilisez donc un dictionnaire des lieux ! Et laissez-moi cette carte, je finirai par prouver l'existence de cette île mystérieuse !

Ils continuèrent de tirer chacun le plan à eux et je m'approchai, posant à mon tour la main sur la carte.

- Si vous ne parvenez pas à vous mettre d'accord, je peux vous en débarrasser., offris-je aimablement.
- Lâchez ça !, beuglèrent-ils en chœur.

Le plus âgé tira un grand coup et il y eut un atroce bruit de déchirure. Éberlués, nous contemplâmes tous trois le plan divisé en deux.

- C'est malin !, brailla le plus jeune. Puisque vous y tenez tant, gardez le votre foutu papier !

Il lâcha sa partie, qui me resta dans la main, et partit de la boutique à pas furieux. Il tenta même de claquer la porte, mais le bras mécanique stoppa son mouvement et le battant se referma au ralenti dans un tintement de clochette.

- Bien !, s'exclama le client restant en m'arrachant ma moitié de carte des mains. Merci de ton aide, mon garçon. Grâce à toi je vais enfin pouvoir poursuivre mes recherches sur cette île mouvante.

Mon garçon ?, me répétai-je, outrée.

- Île mouvante ?, questionnai-je.

Comme quoi les paroles ne suivent pas toujours les pensées.

- Oui, une île qui se déplace, mon petit !, s'enthousiasma-t-il en accompagnant ses propos de grands gestes des bras. Je l'ai aperçue il n'y a pas si longtemps avec ma longue-vue ! Ou alors il s'agissait d'un monstre marin... Non, non, j'en suis sûr, il s'agit d'une île ! Est-ce que tu imagines ? Une telle île apporterait d'incroyables bénéfices ! Le déplacement permettrait des échanges commerciaux directement d'une île à l'autre sans passer par ces navires de commerce qui s'octroient un pourcentage ! Et cela doit également être une défense redoutable ! Un coup par-ci, un coup par-là, et hop, disparu ! Cela passionnerait sûrement la Marine...

Mon petit ?, grognai-je intérieurement.

- Ah ah, impossible, une telle île ne peut pas exister !, mentis-je effrontément.
- Remettrais-tu ma parole en doute ?, s'offusqua l'homme. Je l'ai vue comme je te vois !

Vexé, il se détourna et rejoignit le comptoir, où il paya la carte avant de quitter la boutique. Je soupirai, me retournant vers le libraire, qui semblait à présent libéré d'un grand poids.

- Vous n'en avez pas d'autre ?, demandai-je telle une supplique.

Il secoua la tête et je soupirai. Je quittai à mon tour le magasin, partant à pas vifs à la poursuite de la carte.

- Monsieur !, criai-je pour capter l'attention de l'homme l'ayant achetée.

Il se retourna bel et bien et, m'avisant, accéléra pour m'échapper. Lâche !, pestai-je. Je me mis à courir, me glissant de mon mieux entre les passants, m'excusant de les bousculer mais essayant de ne pas me laisser distancer. Heureusement pour moi, l'homme n'allait pas si vite et je finis par le rattraper.

- Attendez !
- Je n'ai pas de temps à perdre avec toi, gamin !, m'asséna-t-il d'un ton dur. J'ai du travail moi !
- Arrêtez de me donner des noms comme ça !, explosai-je. Je suis majeur, j'ai un travail et ma copine vient d'avoir sa graduation !

Surpris, l'homme me regarda avec des yeux comme deux ronds de flan, lui donnant un air encore plus surpris derrière ses petites lunettes rondes, et je m'intimai de me calmer.

- Je voulais juste m'excuser de ne pas vous avoir cru., repris-je plus posément. En fait, votre découverte m'intéresse, j'aimerai bien en apprendre davantage si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je peux vous offrir à boire ?

Après un courte hésitation, l'homme accepta. J'en déduisis que peu de monde devait s'intéresser à son travail pour qu'il accepte si rapidement de se confier à un inconnu. Il me mena jusqu'à un bar à l'allure rustique et commanda sans gêne une grande chope de bière. Je l'imitai, comptant mentalement ma monnaie et le nombre de coups que je pouvais me permettre de lui payer. Nous nous installâmes près de l'entrée, que nous espérions moins sombre. Cependant même cette partie de la salle était plongée dans l'obscurité. Heureusement un serveur aimable nous apporta une bougie pour que nous puissions y voir plus clair.

- Tu es un petit... Hum, un jeune homme qui sait déterminer ce qui vaut le coup d'être étudié, n'est-ce pas ?, attaqua-t-il après deux longues gorgées. Une île si merveilleuse... Si je parviens à la localiser... Non, ne serait-ce qu'à prouver son existence, je deviendrai un héros ! Le professeur Olive, découvreur d'un nouveau monde encore inconnu de tous ! Il faut que je pense à un nom pour cette merveille...

Ben voyons..., soupirai-je intérieurement en le contemplant vider sa chope et en commander une seconde. Si cette île est bien celle à laquelle je pense, il n'y a aucune chance que cela se produise !

- Et que savez-vous de cette île ?
- Malheureusement, pas grand chose pour le moment., se désola le professeur. En fait, je l'ai découverte il y a seulement deux jours, et elle a rapidement disparu. Évidemment, personne n'a voulu me croire., rouspéta l'homme. Mais je sais ce que j'ai vu ! Un fragment de terre, enveloppé dans la brume. Ma longue-vue ne m'a cependant pas suffi pour me rendre compte de la végétation locale, mais cela n'est qu'un hiatus que je comblerai lorsque j'aurai retrouvé cette île !

Cela correspondait bel et bien à Republic Island. Alors... Les enfants disaient vrai. Quelque part au fond de moi, j'avais encore un peu de mal à accepter ce fait, mais je n'avais visiblement pas le choix. Pour autant, je n'acceptais pas que cet homme en apprenne davantage. La façon dont il parlait de mon île me hérissait le poil. Un avantage commercial ? Une défense pour la Marine ? Hors de question ! Je défendrai ma patrie bec et ongle s'il le fallait !

- Tout cela est passionnant, professeur !, lançai-je avec une admiration toute feinte. Je suis vraiment désolé pour ce que je vous ai dit tout à l'heure à la librairie... Et d'ailleurs, pour vous montrer mon regret, je voudrais même vous proposer un échange avantageux. Que diriez-vous de troquer votre plan de l'île déchiré contre ma mappemonde toute neuve ? Cela me permettrait de mieux connaître l'île et vous les Blues. Après tout, votre ''île mouvante'' doit bien se trouver en mer et non pas sur Luvneel, n'est-ce pas ? Cela faciliterait vos recherches, non ?

L'homme, déjà à moitié saoul, accepta sans mal ma proposition. Comme si cela allait lui être d'une quelconque utilité ! Republic Island n'était signalée nulle part. Discrètement, je glissai une main sous la table pour ouvrir la gourde remplie d'huile qui pendait à ma ceinture. J'encourageai mon interlocuteur à boire, louant ses découvertes et proposant de porter un toast à sa réussite. D'un côté, je soulevai mon verre encore plein. De l'autre, je trempai une extrémité de ma mappemonde dans l'huile. Nous portâmes nos verres à nos lèvres, scellant notre marché. Les chopes reposées, nous échangeâmes les plans sans plus attendre. J'étalai consciencieusement la mappemonde devant mon interlocuteur, lui proposant d'admirer le détail du dessin.

- C'était un plaisir de faire votre connaissance., saluai-je alors l'homme en me relevant, laissant au passage sur la table de quoi payer nos consommations. Je suis navré d'avoir à vous quitter si tôt, mais je dois retrouver ma copine maintenant, elle va s'énerver si j'arrive en retard à notre rendez-vous. À bientôt alors !

Je glissai les deux morceaux de la carte de l'île dans mon vêtement et me retournai vivement. Le bout de ma main heurta le bougeoir, qui tomba sur la table. Du coin de l'œil, je vis les flammes se lancer à l'assaut de la carte et en quelques pas j'atteignis la porte du bar. Dès que j'eus franchi celle-ci, je me mêlai tout naturellement à la foule, seul un petit sourire en coin trahissant mon méfait. Ainsi, cet ivrogne avide de profit ne mettrait jamais la main sur mon île. Cela m'a pris le temps qu'il faut, mais j'ai réussi ma première mission, capitaine !

Il ne me restait plus maintenant qu'à attaquer la partie suivante : le lèche-vitrine. Au moins cette affaire là devrait être plus simple puisque je n'avais rien à acquérir. Tranquillement, je partis donc vers la première boutique de vêtements que j'aperçus. Bientôt, j'étudiai avec scepticisme les froufrous et les dentelles, mes doutes sur ces habillages cachés derrière un air intéressé. Incapable de m'imaginer porter de telles choses, je me contentai de hocher la tête dans le vide comme si tout était parfait, avant de grimacer lamentablement devant les prix affichés.

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Dimitri Van Lester(Sanji)

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MessageSujet: Re: Pourquoi pardonner quand on peut se venger   Pourquoi pardonner quand on peut se venger Icon_minitimeVen 5 Aoû - 23:01

Dimitri se trouvait dans un bateau de plaisance se rendant à Luvneel. Accoudé au bastingage, il contemplait la mer, une cigarette à la bouche. La nuit avait été mauvaise, comme en témoignaient les énormes cernes sous ses yeux. Il avait été victime de terribles cauchemars, ou, pour être plus précis, de cruels souvenirs. Il ne regrettait pas son geste. Il avait vécu enfermé les dix dernières années. Il se devait de le faire et, ainsi, de regagner sa liberté. Pourtant, les cris de sa mère, ses mains ensanglantées et les ultimes menaces de son père le hantaient. Il ne pensait pas que cela l’affecterait autant. Il était persuadé de n’avoir noué aucun lien avec ses parents adoptifs. Malheureusement, la nuit précédente lui prouvait le contraire.

Après le meurtre, il avait vidé les coffres de sa demeure et rapidement quitté les lieux. Exalté par sa soudaine liberté, il avait décidé de dépenser une bonne partie de son butin dans le premier bateau de plaisance qui passait. Il s’était donc retrouvé sur cet immense navire, riche en activités. Il en avait profité durant le premier jour de voyage, mais dès la première nuit, il n’avait plus eu le cœur à la fête. Quelques écervelées avaient tenté une approche auprès de lui, mais il les avait repoussées sans ménagement. Son seul plaisir résidait dans son fidèle paquet de cigarettes. Le flegmatique Dimitri avait disparu pour laisser place à un jeune homme dont l’énergie semblait s’être échappée.

Il passa donc le reste du voyage à contempler le scintillement du soleil sur les vagues. Il tentait de se remémorer son île natale, ce temps béni, supposait-il, où il pouvait vaquer librement à ses occupations. Malheureusement, rien ne vint. Cette période était désormais révolue et très certainement perdue à jamais. C’est ainsi que passèrent les derniers jours de son voyage.

Un matin, le navire arriva enfin à destination. En revanche, le débarquement fut fastidieux. Dimitri dut subir une fouille corporelle et un interrogatoire. Heureusement pour lui, la nouvelle de la mort de ses parents ne semblait pas s’être ébruitée, lui permettant de passer cet embargo sans problème.

Il déambula sur les quais, puis dans les rues alentour sans but. Les allées de Porneel étaient assez animées malgré le climat tant harassant qu’oppressant imposé par le coup d’État de la reine. Dimitri n’était pas très informé sur la situation, néanmoins, il avait entendu quelques personnes en discuter. Après réflexion, Luvneel n’était peut-être pas le meilleur choix pour une première escale, seulement, il n’avait pas vraiment eu le temps d’y penser.

Après avoir erré quelque temps, il décida d’entrer dans une boutique de prêt-à-porter mixte. Il voulait se changer les idées, peut-être que les vêtements de la marque TasK, ses préférés, lui redonneraient le sourire. En sillonnant entre les différents rayons, il remarqua une vendeuse qui essayait d’écouler des vêtements d’un goût atroce à une jeune fille, s’il en croyait ses traits fins, bien que tout le reste de son allure lui criât le contraire. En quelques pas, il les rejoignit et déclara sans son sens du spectacle habituel :


— Si je puis me permettre, je doute que ce genre d’accoutrement puisse vous convenir jeune demoiselle.

La vendeuse lui lança un regard à la fois scandalisé et meurtrier.

— Pardon ? répondit-elle, la stupeur se peignant sur son visage. Ce n’est pas pour moi, c’est pour ma copine ! Et pourquoi ça n’irait pas d’abord ? Les filles n’aiment pas ce genre de choses ?
— Votre copine ?
reprit-il surpris à son tour. Je ne pensais pas rencontrer une jeune fille si libérée dès mon premier voyage. Ceci étant, n’êtes-vous pas mieux placée que moi pour répondre à ce genre de question ?
— Quoi ? Non ! Enfin... Non ! Je suis un homme, moi ! Song, c’est un vrai nom de garçon !
— C’est surtout peu commun. Eh bien, cher Song, si vous êtes réellement un homme comme vous le prétendez, je ne vois pas vraiment de raison de m’attarder sur votre cas. Mes condoléances à votre amie
, termina-t-il en tournant les talons.
— Comment ça, des condoléances ? C’est si mauvais que ça ? Vous pensez qu’elle n’aimera pas ? Mais c’est pour fêter sa graduation ! Qu’est-ce que je vais faire si ça ne lui plaît pas ? Attendez, ne partez pas ! Vous avez l’air de vous y connaître, aidez-moi ! Je ne veux pas la décevoir !

Ce n’était pas dans ses habitudes d’aider de parfaits inconnus, d’autant plus lorsqu’il s’agissait d’une personne du même sexe. Seulement, ce jour-là, il n’était pas non plus dans son état naturel, et faire enrager la serveuse, qui, excédée, était partie levant les yeux au ciel et secouant vivement sa tête, était plus qu’agréable. Il fit donc volte-face et posa une main compatissante sur l’épaule du jeune homme.

— Ah, mon pauvre Song, je vois bien que tu es perdu. Tutoyons-nous, si tu le veux bien, nous serons plus à l’aise.

Sans attendre sa réponse, il se mit à parcourir les gondoles faisant signe à son apprenti de le suivre.

— C’est donc pour fêter sa graduation. Pourtant, tu te trouves dans un espace réservé aux soirées très habillées, ça ne correspond pas vraiment à une soirée entre amoureux.
— Oh, c’est que... je voulais l’emmener danser aussi... Elle aime bien danser. Moi je ne sais pas danser. Euh... Je m’égare. Mais oui, j’ai réussi à avoir des invitations pour une soirée mondaine par un ami dont le frère connaît le fils du cousin de l’oncle de l’hôte ! J’ai pensé que ça pourrait lui plaire... Ça ne lui plaira pas ? Est-ce que ça lui plaira ? En tout cas, je suis sûr qu’une robe lui ferait vraiment plaisir. Elle adore les vêtements. Neufs. Je crois qu’elle les collectionne.


Dimitri haussa un sourcil et détailla son interlocuteur. Le débit de ses paroles lui paraissait suspect. Aurait-il quelque chose à cacher ? Une chose était sûre : désormais, il était intéressé. Il esquissa un sourire imperceptible puis reprit, une pointe d’ironie dans la voix :

— Ah, je comprends, rien n’est plus agréable que la sensation d’un tissu parfaitement tendu glissant sur la peau. Pour ce qui est de la danse, je peux t’aider si tu as un peu de temps cet après-midi, je n’ai de toute façon rien d’autre à faire. En ce qui concerne la robe en revanche, je vais avoir besoin de ton aide : qu’est-ce que ta copine aime, sa couleur préférée, sa morphologie, etc.
— C’est vrai, tu ferais ça ? Merci euh...
— Dimitri.
— Merci, Dimitri. Eh bien... Elle fait à peu près ma taille, mais elle a... Elle a plus de...


Visiblement gêné par la mention des courbes féminines, il se mit à dessiner des arcs de cercle de ses mains à l’endroit où devrait se trouver une poitrine.

— Enfin, tu vois. Oh, et elle aime l’orange ! Mandarine pour être exact ! C’est sa couleur préférée !

Amusé, le jeune noble écouta néanmoins les informations fournies en hochant la tête et en scrutant les alentours. Après quelques secondes, il se dirigea prestement dans un rayon parallèle. Il fureta quelques instants entre les cintres et finit par sortir le vêtement qui lui semblait idéal pour l’occasion. C’était une robe bustier à sequins, d’un orange très pâle, courte. Une ceinture satinée marquait la taille tandis que le reste de la robe s’évasait dans un joli tissu mousseline. Les différents volants donnaient l’impression de voir une rose couleur mandarine s’épanouir.

— Voilà ce qui serait parfait, simple, élégant et juvénile. Les robes de soirée sont généralement plus longues et plus habillées, mais cette jeune fille a sûrement toute la vie devant elle, ce serait dommage de lui donner des vêtements aussi formels à son âge.

Le visage de Song s’illumina soudain.

— Ouah ! Elle va adorer, c’est sûr !

Il jeta ensuite un œil à l’étiquette de prix, puis sa mine se décomposa. Il n’avait visiblement pas assez d’argent sur lui pour se payer un tel objet. Dimitri lui proposa de l’aider, il se sentait d’humeur généreuse ce jour-là. Toutefois, son jeune compagnon refusa vigoureusement. Non seulement il n’aimait pas avoir de dettes, mais en plus, il comptait remercier le jeune noble pour la robe et les cours de danse à venir d’un bon repas. Dimitri abdiqua rapidement et se laissa entraîner dans une modeste taverne, où il mangea à sa faim, même si les plats manquaient quelque peu de raffinement à son goût.

En début d’après-midi, Song et lui se rendirent à l’écart de la ville, dans un endroit dégagé, mais loin des regards. Là, il lui apprit quelques rudiments de danse. Ce fut ardu, car ils ne bénéficiaient pas de musique pour leur entraînement de fortune. Dimitri dut lui-même marquer les temps et jouer le rôle de la fille pour que Song apprenne à mener correctement une danse. Ces heures laborieuses resteraient à jamais gravées dans la mémoire de Dimitri bien qu’il tentât de les oublier par tous les moyens. Elles auront néanmoins eu un effet positif, car durant ces quelques heures, il ne pensa pas une seule seconde aux cauchemars qui le hantaient depuis un peu moins d’une semaine désormais.
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ebi akuma

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MessageSujet: Re: Pourquoi pardonner quand on peut se venger   Pourquoi pardonner quand on peut se venger Icon_minitimeJeu 11 Aoû - 20:07

Je faillis m’éclater de rire en repensant à tante Rosie. Au moment de mon départ elle m’embrassa, me serra bien fort et me laissa partir.  Puis, je tournais à peine les talons qu’elle s’exclama :
 '' Tu ne boites plus ! ’’
Je me retournai d’un trait. Ce détail m’était complètement sorti de la tête. Je ne pus que fabriquer à la hâte une explication…boiteuse. 
‘’ Oh non ! J’ai eu la chance de rencontrer un guérisseur. Un saint homme ! Il a posé ses mains sur moi et il m’a dit : «marche comme du monde, mon fils».  À l’instant même la circulation sanguine reprit dans mon membre impotent et je fus guéri. ‘’
Je n’allais quand même pas avouer avoir feinté deux ans pour éviter les gros travaux sur la ferme. Je me ferais fusiller par oncle Gustav, lui qui avait traité son neveu aux petits oignons en raison de son handicap.
‘’ C’est un miracle, ‘’ s’émerveilla tante Rosie en se signant de la croix.
Je savais pouvoir compter sur la complaisance de tante Rosie. Pas certain que mon explication rencontra pareille crédibilité auprès d’Ismaël. Il me fit un sourire tordu qui en disait long. Revoir mon jeune frère fut un test d’adaptation au tout début puis graduellement je reconnus ses traits d’adolescence, ses sourcils touffus, son nez un peu retroussé, des lèvres pulpeuses avec un arc de Cupidon arrondi. À cet arsenal de séducteur s’ajoutait une expression de chaleur difficile à ignorer, un regard qui ne mentait pas. Un beau gosse mon p’tit frère. On ne pouvait que l’aimer.
 
Une fois au centre ville je m’installai à une table discrète d’un restaurant pour déguster un bon thé et surveiller les gens dans la rue. Bizarre comme d’une ville à l’autre on retrouve les mêmes caractères dans les mêmes rôles: le vendeur de légumes avec son chariot tiré par un âne, les gamins qui courent ou se chamaillent, des vieillards incrustés sur les bancs publics, l’ivrogne qui sort du bar en titubant, le mendiant, les artistes de rue, des soldats qui s’approchent… oups… des soldats qui s’approchent ! Vont-ils entrer ? Ils s’arrêtent en face du restaurant.  Je saisis un journal abandonné sur la table voisine et plonge ma face dedans. Je tâte ma ceinture pour vérifier l’emplacement de mon pistolet tout en surveillant du coin de l’œil. Par bonheur, les soldats poursuivent leur ronde. Rassuré, mon pouls se stabilise et je m’intéresse au journal. Une propagande révoltante y faisait l’éloge des décisions de la reine. Pas une page du magazine n’y échappait. On y faisait le décompte des têtes tombées suite à la purge des opposants. Un article attira particulièrement mon attention. On y parlait justement de Victor Buglorn. Il avait obtenu l’approbation de la municipalité pour la construction d’un hôtel de luxe, maquette à l’appui. Une conférence de presse devait se tenir la semaine suivante pour défendre le dossier contesté par de nombreux citoyens. L’article se montrait très critique de la corruption qui régnait dans le domaine de la construction, du trafic d’influence, de la pratique de pots-de-vin. Le maire, invité d’honneur au manoir pour célébrer l’événement samedi soir, s’était défendu vertement des accusations de collusion : «Nous avons pris la bonne décision et l’hôtel deviendra un phare pour rehausser la visibilité de Luvneel » avait-il martelé avec conviction aux journalistes qui insinuaient un conflit d’intérêt. Ce passage n’échappa surtout pas à mon attention. Le hasard de tomber sur cette information au moment précis où j’en avais besoin ne pouvait que confirmer la bienveillance des dieux à mon égard et me persuader de la justesse de mes intentions. Ça signifiait également que je devais  faire vite. Il restait peu de temps pour peaufiner ma stratégie.

De l’autre côté de la rue… ma foi, on dirait Song en train de… mais oui c’est Song, pas de doute. Il vient de sortir de cette boutique de vêtements. Mais que fait-il en compagnie de ce m’as-tu-vu habillé comme un arbre de Noël ? Il se fait  cruiser, je présume, par ce pervers. Je me demandai si je devrais m’en mêler. Bah! Et puis non ! Song peut très bien se défendre. J’aurais plutôt intérêt à retrouver le dénommé Gontran avant qu’il se saoule la face. Nous pourrions dès cet après-midi faire une sortie de reconnaissance dans  les environs du manoir, histoire d’étudier le secteur et trouver de possibles accès à la propriété.  Luvneel n’était pas si vaste après tout, je devrais pouvoir le localiser.   
Je me levai, payai le restaurateur et sortis dans la fournaise du dehors. Song avait disparu avec l’arbre de Noël. Ah bon, on verrait ça plus tard.  Je n’étais pas gardien des mœurs après tout. J’entrepris donc de ratisser les bars à la recherche de Gontran. Sur un coup de chance je croisai le personnage en question au premier hôtel, un établissement de bas étage fréquenté par la racaille des environs. Attablé en compagnie d’une demoiselle dont le buste débordait généreusement de son décolleté, Gontran émit en me voyant un hochement de tête à peine décelable. Je compris le message. Je dérangeais monsieur en pleine négociation. Sans prendre offense je m’avançai près du bar et commandai une bière. Mon seul contact avec une pute remontait au jour de mes seize ans lors d’une cuite mémorable. Au réveil j’avais failli vomir à cause de l’odeur de poisson dont elle empestait. Je fus dégoûté de la chose sexuelle pour un bon moment après ça. Il m’arrive à l’occasion de songer à prendre épouse et fonder une famille mais plus tard, quand je serai devenu riche et puissant. Soudain le bruit d’une chaise qu’on glisse sur un plancher de bois me tira de mes réflexions. Je me retournai. Gontran me jeta un regard éloquent et monta à l’étage avec la plantureuse créature. Voyez-vous ça ! En plein après-midi ! Le cul devait lui chauffer, il fallait croire. Bon, je décidai d’attendre une demi-heure et s’il ne revenait pas j’irais seul. Je commandai une autre bière.
 
 À peine vingt minutes plus tard Gontran redescendit et s’approcha, le regard vague. Il semblait satisfait malgré la rapidité du rapport. Je ne posai aucune question et Gontran se contenta de sourire comme un demeuré. Je lui exposai mon idée d’explorer les lieux et par le temps de finir mon breuvage  nous sortions de l’hôtel. Les concepteurs avaient judicieusement choisi l’emplacement du manoir de sorte à maximiser la sécurité. Construit sur une élévation rocheuse à l’embouchure du fleuve, les versants escarpés tombant dans la mer formaient d’impressionnants obstacles naturels sur les côtés sud et ouest de la propriété. Pour le reste, une forêt dense de feuillus et de conifères isolait l’emplacement des quartiers résidentiels en contrebas. Nous avons dû marcher un bon kilomètre avant d’atteindre le sentier qui menait à la plage et longeait le versant du plateau. Pour accéder au sommet il nous fallut escalader une pente abrupte d’une trentaine de mètres. Essoufflés comme de vieilles bourriques, on a dû faire une pause avant de s’engager dans la forêt jouxtant le manoir.  Là, une surprise de taille nous attendait : on avait dégagé une clairière d’environ 7 mètres de largeur sur toute la longueur du terrain et installé en plein centre une clôture de deux mètres coiffée de barbelés. Bizarrement un chêne énorme avait été épargné près de la clôture et une de ses branches passait carrément par-dessus le barbelé. Gontran se précipita et grimpa dans l’arbre mais j’hésitai avant de le suivre. Un passage aussi ostensible me fit redouter un guet-apens et comme pour confirmer mes soupçons, à peine avions nous sauté de la branche qu’un énorme molosse apparut à dix pas de nous tous crocs saillants et l’écume aux babines.
‘’ Ne bouge pas Gontran ! Ne fais pas un geste. ‘’, dis-je ne restant accroupi dans l’herbe.
Le chien émit un grondement à en dresser les poils sur le corps. Je ne songeais même pas à saisir mon pistolet. Ce geste hostile aurait signé notre arrêt de mort. Tout en fixant la bête dans les yeux je glissai lentement la main le long de ma ceinture pour localiser le flacon. Le sorcier m’avait dit qu’une seule goutte de ce liquide me permettrait de communiquer avec un animal. Je ne pouvais imaginer une meilleure occasion pour tester le produit. Le molosse suivait mes mouvements avec intérêt mais sans réagir. De mon autre main je retirai lentement le bouchon de liège et je sentis la mixture.
‘’ Beurk! Ce foutu sorcier s’est payé ma tête. Ce flacon sent la chiotte. Il ne croyait quand même  pas que j’allais avaler cette saloperie. ‘’
Mais à la réflexion, le moment était bien mal choisi pour me montrer capricieux car maintenant le cerbère nous regardait tour à tour comme s’il hésitait à choisir lequel de nous deux il allait dévorer en premier. J’arrachai une tige de foin et trempai l’extrémité dans le goulot étroit de la fiole. Je sortis la langue et y posai le bout de la tige imbibée du liquide gluant et attendis un moment en regardant le chien. Aucun effet perceptible ne se produisit; de toute évidence ce damné sorcier m’avait roulé dans la farine. Je me tournai vers Gontran qui lui, prenait la couleur de la farine.
‘’ La potion ne fonctionne pas Gontran. On est foutus. Dommage, j’aurais aimé lui parler car je le trouve très beau ce chien. ‘’ 
‘’ Merci. ’’
‘’ Hein !Le chien m’a parlé ! Il m’a dit merci. Ça fonctionne ! ’’ bredouillai-je incrédule. Gontran me regarda d’un air suspect.
‘’ T’as pris une bière de trop, crevette. Les chiens ne causent pas. ‘’
‘’ Non je te dis, Gontran. Le chien m’a parlé. Attends. Sors la langue, tu vas voir.’’
Je déposai une goutte du liquide sur sa langue. Il fit la grimace mais avala la mixture. Un moment après :
‘’ Salut Gontran. ’’
‘’ Hein ! Le chien m’a parlé. Il a dit salut Gontran. Comment il a pu savoir mon nom ? ‘’
‘’ Je viens de le dire ton nom. Il l’a compris. Tu vois, il parle. Il n’est peut-être pas méchant. ''
Le chien : ‘‘’ Non mais j’ai un boulot à faire moi, les gars.  Je suis chargé de surveiller la propriété et de chasser les intrus. J’ai carte blanche pour les bouffer tout cru s’il le faut. ‘’
‘’ Attends mon beau, je vais t’expliquer. Comment on t’appelle déjà ? ''
‘’ Rex. Tyranno rex. ’’
‘’ Ya pas à dire, ça te va bien. ''
On se comprenait sans parler, par la seule transmission de pensées. Je racontai mon histoire à Rex, la supercherie de Buglorn pour piéger mon paternel, l’affliction de ma mère suite à la mort de son époux, notre famille décimée, toutes ces années de souffrance par la méchanceté d’un homme. J’y mettais toute la gomme pour attendrir le molosse. Finalement je lui révélai sans détours mes plans de tuer Buglorn pour venger ma famille. En écoutant mon histoire Rex s’écrasa dans l’herbe et plaça sa tête entre ses pattes. Tout à coup il émit un son bouleversant, comme s’il pleurait. En vérité ce chien, ce gros molosse pleurait. Il raconta comment on l’avait séparé de ses deux rejetons peu après leur naissance, de jolis chiots en santé; comment on l’avait privé de sa copine. Il avait cru qu’on l’apportait pour la soigner après sa chute dans un ravin. Il apprit par la suite que Buglorn avait ordonné froidement qu’on l’abatte. Nous avions tous les deux de bons motifs pour en vouloir à Buglorn. Rex s’approcha. Il nous permit de le flatter. Par la suite il nous instruisit des endroits sans surveillance. Il pointa la terrasse de la chambre à coucher de Buglorn. Le soir du banquet Gontran allait monter sur la terrasse pour y laisser mon sabre. Rex fermerait les yeux.
 
Sur le chemin du retour on a bien rigolé. On ne pouvait croire ce qui venait de se produire et d’un commun accord on jura de n’en parler à personne.  Direction l’hôtel, nous avons célébré l’occasion avec un gros pichet de bière en attendant l’heure prévue de notre rendez-vous au casse-croûte chez Caspar. À notre arrivée Song nous salua tout en léchant un cône de crème glacée. Faisant fi de notre engagement, Gontran s’empressa de lui déballer notre excursion sur les terres du manoir, notre causette avec Rex narrée dans ses moindres détails. Dans son dos je fis des gestes de lever du coude  pour prévenir Song que Gontran n’avait plus toute sa tête. Pour ma part je mentionnai à Song l’avoir aperçu en compagnie d’un homme dans l’après-midi. Aussitôt Song composa un sourire ambigu et nous raconta que ce gars, super gentil,  l’avait conseillé sur le choix des vêtements à porter et même qu’il lui avait appris à danser.
'' Quoi ? Vous avez dansé ensemble? '' dis-je en ouvrant de grands yeux et reculant d’un pas. ''  N’en dis pas plus. La vie privée des matelots ne me regarde pas. Je ne tiens pas vraiment à savoir quoi d’autre vous avez pu faire. ’’
‘’ Ah tiens, Song s’est fait un tinami, ‘’ souffla Gontran sur un ton moqueur.
‘’ Ne pars pas de rumeur Gontran. ‘’
Je me retournai et commandai un cornet au préposé du casse-croûte. Ça alors, ne puis-je m’empêcher de penser,  entre Gontran et ses parties de jambes en l’air avec les putes et Song qui dansait avec une pédale, j’avais un équipe de choc à mon service. Je pris le cornet et m’assis à une table disposée à l’extérieur.
'' Maintenant que tu sais danser il ne reste qu’un obstacle à franchir… se faire inviter.     En passant, as-tu choisi une robe de soirée et penses-tu pouvoir tenir le rôle? Nous n’avons que deux jours pour pratiquer. J’ai appris que la soirée aurait lieu samedi. Entre vous et moi nous n’avons pas choisi l’option la plus facile n’est-ce pas ? J’aurais pu tout aussi bien m’introduire dans le manoir et refroidir Buglorn d’une balle entre les deux yeux. Mais pourquoi gâcher notre plaisir et manquer l’occasion de prendre part à un grand bal de la bourgeoisie? ''
‘’ Et moi je ferai quoi pendant que vous faites la fête ? ’’ coupa Gontran. ‘’ Me branler ? ’’
‘’ Ben pourquoi n’invites-tu pas la charmante dame avec qui tu causais au bar ? Elle m’a l’air de bien maîtriser la branlette. Mais seulement après avoir fait ton boulot, d’accord. Quel est son nom déjà? ''
‘’ Alice. ’’
‘’ Tu veux dire Alice comme ‘’Alice au pays des merveilles ? ’’  
Gontran me foudroya du regard.
‘’ Allons, je rigole Gontran. Tu es bien à pic tout à coup. Si j’ai blessé Monsieur, j’en demande pardon. ’’ 
Franchement je regrettais. Nous avions calé un peu trop de mousse car jamais ne m’étais-je moqué des sentiments d’autrui. Gontran avait-il trouvé l’amour ?!! Pourquoi pas . Finalement je me détournai de Gontran et, dévoré par la curiosité, je bombardai Song de questions au sujet de son nouvel ami :
'' Et ce gars, ce gentilhomme, que fait-il dans la vie ? Il demeure à Luvneel ?  Quel est son nom ? Tu ne vas pas partir avec lui quand même ? Tu vas nous le présenter ?  ''
Après tout ce mec pourrait peut-être servir mes plans….


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Fa Mulan

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MessageSujet: Re: Pourquoi pardonner quand on peut se venger   Pourquoi pardonner quand on peut se venger Icon_minitimeSam 20 Aoû - 19:14

A dix-huit heures, après ma séance de danse avec Dimitri, j'avais comme prévu retrouvé le capitaine et la mouche au lieu de rendez-vous. Là, ce dernier me raconta une histoire improbable de chien qui parlait, cependant je décidai de ne pas tenir compte de ces propos d'ivrogne. Ce que je retins surtout, c'était qu'ils étaient partis tous deux en reconnaissance, sans moi. Pourquoi avais-je été mise à l'écart ? Certes il ne s'agissait pas d'un jeu mais d'une véritable infiltration qui, si tout se déroulait comme prévu, devait aboutir à un meurtre. Mais tout de même, j'étais blessée de ce manque de confiance. J'avais tout de même accompli les tâches qui m'avaient été confiées avec brio, mais je n'étais pas pleinement satisfaite avec seulement le remerciement d'usage qui me fut remis en échange de la carte que j'avais durement acquise. Peut-être que cela ne faisait que trois jours que je côtoyais ces hommes, mais je voulais qu'ils reconnaissent ma valeur. Aussi, quand Crevette parla de se procurer des invitations, je sautai sur l'occasion.

- Laissez-moi faire !, lançai-je avec détermination. Je peux m'en charger !

Le capitaine sembla hésiter un instant à me confier une telle tâche. C'est qu'il ne s'agissait pas de faire d'erreur, ou sinon tous ses plans tomberaient à l'eau. Finalement, il accepta quand même, à la condition que je ramène les invitations d'ici le lendemain midi. Le cas échéant, il resterait encore une journée et demie pour trouver une solution. Déjà en train de réfléchir à un plan d'action, je en répondis que distraitement aux questions que me posa soudain Crevette.

- J'ai une robe prise dans la cargaison du capitaine Valaskomir, je pense qu'elle fera l'affaire. Quant au rôle, aucune inquiétude, je saurai m'y conformer. Je ferai une excellente fille de bonne famille.

Quelques réminiscences de mon enfance vinrent frapper mon esprit. Oui, il fut un temps où j'avais appris les bonnes manières et à me comporter avec une amabilité toute feinte, à garder le sourire quelle que soient les circonstances. Cela devrait me revenir sans trop de peine. Je fus tirée de ces songes par une seconde salve d'interrogations.

- Hum, je n'ai pas eu le temps d'apprendre grand chose de Dimitri., avouai-je avec quelques regrets. Mais il a l'air d'avoir des moyens, et son attitude et sa façon de parler me font penser qu'il doit venir d'une famille assez aisée. Et il a dit qu'il était en voyage, alors je ne pense pas qu'il soit de Porneel, mais pour Luvneel je ne peux pas en être certain. Et non, nous ne sommes pas assez proches pour que je parte avec lui... et même s'il m'en venait l'envie je ne vous abandonnerai pas avant la fin de notre mission !, promis-je. Mais ce qui est sûr c'est que j'ai eu de la chance de le rencontrer. Quant à vous le présenter, j'imagine que si nous le croisons cela devrait être possible...

La curiosité du capitaine sembla momentanément assouvie, aussi je vérifiai que l'on avait besoin de moi pour rien d'autre et me mis en route sans attendre.

Je parcourrai les rues au hasard, observant la population, repérant les personnes les plus probablement invitées. Je suivis sans trop d'espoir des hommes en costumes et des femmes en riches robes, mais la plupart m'échappaient rapidement en se faisait conduire en calèche. Peu à peu cependant, j'affinai mon plan : il ne me restait plus qu'à trouver un jeune célibataire qui serait ravi d'un peu de compagnie lors d'une soirée.

Après encore un moment d'observation, il me sembla enfin trouver la cible idéale : un homme un peu plus âgé que moi, aux habits soignés, une fleur à la boutonnière et à la démarche noble. Je commençai à m'avancer, quand soudain un détail frappa mon esprit. J'étais toujours Song, et non une jeune femme en quête d'amusement. L'homme passa devant moi sans me prêter la moindre attention. Je n'étais actuellement qu'un marin, je ne faisais pas partie de son monde. Si je voulais m'y introduire, j'allais devoir jouer le grand jeu et procéder à l'avance à une métamorphose radicale. Il me semblait cependant qu'il était un peu tard pour cela aujourd'hui : une fille de bonne famille ne sortirait certainement pas seule le soir. Je devrai remettre mon approche au lendemain, ce qui réduisait considérablement ma marge de manœuvre. Je devais gagner du temps comme je le pouvais, premièrement en établissant où serait exactement ma cible le lendemain.

Je continuai de suivre à quelque distance le jeune homme qui, après avoir parcouru quelques rues, pénétra dans un étrange établissement. Je restai dans la rue, contemplant avec circonspection l'inscription « Club des gentlemen » qui surmontait la porte. J'arrêtai l'un des passants, lui désignant l'endroit avec curiosité.

- Vous savez ce qu'est cette maison ?, l'interrogeai-je.
- Ca ? Oh, un lieu de rassemblement pour tous ces fils à papa de la noblesse et de la bourgeoisie., grimaça-t-il.
- Et qu'y font-ils ?
- Discuter autour d'un verre. Vanter leurs exploits. S'inviter à des sorties ou des soirées. S'amuser., me répondit-il en haussant les épaules. Ces blanc-becs ne savent pas faire grand chose d'autre de toute façon.
- Alors ils doivent aller à la fête d'après-demain soir, non ?, insistai-je.
- Sans doute, oui. Je ne pense pas qu'ils manqueraient une telle occasion de se montrer. Pour eux les soirées sont vraiment importantes : ils paradent, nouent des contacts, peuvent simplement dire « j'étais là » pour narguer les absents. Et puis il s'agit d'un terrain de chasse pour ceux qui ne veulent pas rentrer seuls le soir, si vous voyez ce que je veux dire.

Je ne voyais pas. Cependant ces explications me suffisaient et je remerciai l'homme, qui reprit son chemin. Il semblait que j'avais trouvé mon lieu d'action. Ainsi même si je ne retrouvai pas le jeune homme d'aujourd'hui, je devrai facilement me trouver un autre cible. Pour plus de sûreté, je décidai tout de même de rester dans les parages pour surveiller ce club. Une terrasse de café non loin m'offrit l'emplacement idéal, une gazette pour résister à l'ennui de ma tâche et une boisson chaude pour me garder éveillée. Pendant près d'une heure, j'observai les allées et venues du coin de l'œil, détaillai ces gentlemen et remarquai rapidement qu'ils portaient tous une fleur à la boutonnière. Avec cela il serait improbable que je me trompe de cible.

Finalement, je rentrai à l'hôtel. Je commandai un repas et le dévorai aussitôt, puis montai dans ma chambre. Je répétai quelques pas de danse que m'avait montré Dimitri, inquiète à l'idée de les oublier, mais pour l'instant ils me venaient facilement, presque naturellement. Il était temps maintenant que je me couche pour être en forme le lendemain. J'allai pour tirer les rideaux et, ce faisant, aperçu le petit rassemblement à quelques maisons de là. Je plissai les yeux, reconnaissant à la lueur des réverbères l'Hôtel du Manoir et les uniformes de la garde. Voilà qui n'augurait rien de bon. J'espérai que le capitaine avait tort et que ces gens n'étaient pas à notre recherche. Après tout, peut-être avaient-ils été appelés pour une toute autre affaire. Je tirai les rideaux.

Au matin, il n'y avait plus de gardes devant l'hôtel voisin. Je notai cependant rapidement l'information sur un morceau de papier que j'allai glisser sous la porte de la chambre réservée par la mouche. J'espérai qu'il en prendrait rapidement connaissance et avertirait le capitaine, même si je ne manquerait pas de leur en parler si je les recroisai. Mais pour l'instant, j'avais plus urgent à faire et je retournai dans ma chambre. Déballant le sac contenant les vêtements que j'avais... hum... empruntés au capitaine Valaskomir, j'en sortis plusieurs habits de qualité. Je séparai avec quelques difficultés ceux masculins et ceux féminins, ne m'intéressant pour l'instant qu'à ces derniers. La robe que j'avais choisi, un peu au hasard il fallait l'avouer, était composée de plusieurs couches de tissus. Je ne pouvais en toute honnêteté sortir ainsi et porter la même tenue pour la fête, aussi j'entrepris de revêtir uniquement la couche inférieure. Celle-ci était un peu longue pour moi et touchait presque le sol, mais c'était là un avantage : ainsi mes bottes étaient totalement dissimulées et je ne serai pas forcée de porter de minuscules chaussures aussi peu pratiques qu'inconfortables. Je passai une main dans mes cheveux, regrettant pour la première fois qu'ils soient si courts. Je m'examinai dans le minuscule miroir pendu derrière la porte de ma chambre et grimaçai. Avec cette tête, même habillée ainsi, personne ne serait dupe et verrait tout de suite que j'étais un garçon. Pour parfaire mon déguisement, il allait me falloir du maquillage et des cheveux. Et de la poitrine. Je me retournai et attrapai mon t-shirt de marin, que je pliai et roulai pour lui donner une forme à peu près adéquate, puis le glissai sous ma robe. Cela ne rendait pas trop mal et devrait suffire à tromper l'œil. Le moelleux n'était sûrement pas le même, mais tant que personne n'y toucherait, cela passerait inaperçu. Néanmoins, le maquillage et la perruque restaient indispensables. Je me changeai donc de nouveau en vitesse pour retrouver mon apparence ordinaire et glissai la robe dans le sac, laissant les autres habits dans mon lit, et quittai l'hôtel.

En chemin, je trouvai une boutique dans laquelle j'achetai ce dont j'avais besoin pour parfaire mon déguisement. J'eus un instant le souffle coupé devant le prix que l'on me demanda, mais je n'avais ma foi guère le choix et payai. Toute l'avance que m'avait donnée le capitaine y passa, ainsi qu'une bonne partie de mes propres économies. A présent je ne pouvais plus me permettre la moindre dépense. Il ne me restait qu'une poignée de pièces, et celles-ci pourraient m'être d'un grand secours en cas de difficulté, ne serait-ce que pour m'acheter de quoi manger. De plus, je n'avais actuellement pas la moindre rentrée d'argent. Peut-être Crevette m'octroierait-il une récompense une fois son affaire réglée, mais cela n'était qu'une supposition sans réel fondement. Et je ne faisais pas partie de l'équipage depuis suffisamment longtemps pour avoir une paie. Il allait me falloir obtenir de l'argent autrement. Heureusement, nous allions pénétrer dès demain dans une riche demeure dont le capitaine avait prévu de tuer le propriétaire. Une fois mort, l'homme n'aurait certainement plus besoin de toutes ses richesses. Et même, s'il manquait certaines de ses affaires, la garde pourrait penser qu'il s'agissait d'un vol ayant mal tourné, ce qui nous laisserait un peu plus de temps pour disparaître. Je me figeai soudain en réalisant mes pensées. Quand étais-je devenue aussi froide et insensible ? Je récupérai en vitesse mes achats et me dépêchai de quitter la boutique.

J'avançai à pas vifs et pris le temps de me calmer avant de me remettre à ma mission. Je trouvai des toilettes publiques dans lesquelles je me changeai. Une fois ma transformation opérée, je marchai jusqu'au club des gentlemen. Une calèche était arrêtée de l'autre côté de la voie et me donna une idée lumineuse pour me faire aborder. Je m'approchai du cheval et le flattai gentiment, puis me plaçai juste devant lui et guettai la porte du club. Celle-ci s'ouvrit bientôt, laissant place à un jeune dandy à la moustache ridicule. Je haussai la voix pour qu'il m'entende et agitai les bras.

- Ah ! Le cheval va me renverser, au secours !

Le cheval ne broncha pas. Le jeune homme non plus, qui me jeta à peine un coup d'œil avant de m'ignorer royalement et de partir dans la direction opposée.

- Tout va bien, mademoiselle ?, m'interrogea le conducteur de la calèche avec un air perplexe.

Je posai sur lui des yeux sombres et il se tut, non sans m'avoir jeté le regard que l'on lancerait à une folle. Je repris mon attente, prête à retenter mon plan. J'étais sûre qu'il n'était pas si mauvais. Il fallait juste que j'arrive à me mettre convenablement dans la peau de mon personnage, même s'il s'agissait d'une fille. Voilà, à partir de maintenant j'étais une jeune noble étrangère, ce qui me donnerait aussi une excuse pour mes manquements à une quelconque étiquette propre à Luvneel.

La porte du club se rouvrit et un autre homme en sortit. Je poussai aussitôt un cri qui se voulait effrayé, tout en surveillant la réaction de ma cible. L'homme se retourna dans tous les sens, m'aperçut et se mit à paniquer. Il fouilla avec empressement dans ses poches, en extirpa un flacon de parfum et s'en aspergea abondamment. Enfin, il se précipita vers moi à grands pas marchés. Je commençai à ne plus avoir de souffle mais il parvint heureusement à ma hauteur avant que je ne manque complètement d'air.

- N'ayez crainte, damoiselle !

Il attrapa légèrement mon bras et me conduisit un peu plus loin. J'inspirai profondément pour retrouver ma respiration et un air inquiet se forma sur le visage de mon « sauveur ».

- Venez vous asseoir un moment., m'offrit-il en me menant à la terrasse du café où je m'étais installée la veille.

Il commanda à boire pour nous deux, me recommandant de prendre le temps de me remettre de mes émotions. J'en profitai plutôt pour le détailler. Il s'agissait d'un homme d'une trentaine d'années, aux cheveux bruns et aux doigts ornés de nombreuses bagues. Il avait posé près de sa chaise une cane, même s'il me semblait n'en avoir nullement eu besoin pour marcher.

- Je vous remercie, monsieur., parvins-je enfin à souffler. Je vous suis vraiment reconnaissante de m'avoir aidée.
- Tout le plaisir est pour moi, damoiselle., me répondit-il avec un grand sourire. Mais je vous en prie, appelez-moi Rupert. Et puis-je me permettre de demander votre nom, charmante damoiselle ?
- Oh... !

Je n'avais pas pensé à ce détail. Je détournai les yeux, feignant la timidité alors que je cherchai un patronyme féminin.

- Je me nomme River., annonçai-je finalement avec une expression que j'espérai tendre.
- River ? Voilà un prénom bien peu courant, mais aussi doux que votre sourire.
- Il est plutôt courant par chez moi., justifiai-je alors qu'en vérité il s'agissait juste du premier mot à m'être venu. Mais, Rupert... Comment pourrais-je vous remercier de votre aide ?

Je changeai de position sur ma chaise et mon mollet effleura accidentellement le sien. L'homme resta un instant silencieux, me détaillant avec insistance. Avait-il remarqué quelque chose d'anormal dans mon allure ?

- Pourquoi ne pas dîner ensemble ce soir ?, me proposa-t-il. Cela nous permettrait de faire plus ample connaissance.
- Ce soir ? Oh, malheureusement je dois retrouver des amis ce soir., mentis-je effrontément.

Décidément, cela devenait de plus en plus naturel.

- Que diriez-vous de demain soir ?, rajoutai-je.
- Eh bien, je dois déjà me rendre à une fête demain...

Ça y est, le sujet était abordé !

- Une fête ?, répétai-je sans pouvoir m'empêcher de sourire. Ça a l'air amusant ! Pourrais-je venir ?
- C'est qu'il vous faudrait une invitation... Ou bien que quelqu'un vous y invite.

Je me mordis les lèvres. L'instant crucial était là, je ne devais pas me louper.

- J'imagine que vous avez déjà une cavalière..., murmurai-je. Mais ne pourrais-je pas venir également... ?
- Ce serait problématique de vous présenter devant ma femme., répondit-il d'un ton ennuyé.
- Vous êtes marié ?!

Je m'étais presque exclamée et l'homme me jeta un regard légèrement surpris. Mais j'étais bien plus ennuyée que lui. Mon plan était de séduire un célibataire, je n'avais pas pensé me retrouver dans une telle situation. Mais à présent je n'avais plus le choix : je devais jouer le tout pour le tout.

- En fait, repris-je avec un sourire charmeur, je trouve cela plutôt excitant...
- Si cette nouvelle ne vous gêne pas, j'imagine que nous pourrions trouver un arrangement., annonça alors Rupert en recommençant à me contempler avec intérêt.

Je me penchai légèrement en avant, le col de ma robe ne dévoilant heureusement rien de ma supercherie, et j'appuyai ma fausse poitrine sur mes bras croisés sur la table pour la mettre en valeur.

- Pourrais-je inviter des amis... ?, susurrai-je d'un ton enjôleur.
- Bien sûr, toutes vos amies sont les bienvenues !, m'assura l'homme avec une voix vibrante.
- Il ne s'agit que de deux personnes., précisai-je.
- Je vous aurai trois invitations.
- Alors nous pourrions nous retrouver demain avant le début de la soirée pour que vous me les remettiez ?, demandai-je sans cesser de sourire.
- Non, ma femme sera là., soupira-t-il. Le mieux est que je vous les confie dès maintenant. Voulez-vous bien m'accompagner à mon club ? Je pourrai en récupérer là-bas.

J'acceptai et Rupert paya nos boissons avant de me conduire de l'autre côté de la rue. Il m'ouvrit galamment la porte et je le remerciai d'un signe de tête. Nous pénétrâmes dans une sorte de salon cossu, au sol recouvert d'épais tapis. Un bar s'étendait contre l'un des murs, offrant toutes sortes d'alcools raffinés. Ici et là étaient disposés des fauteuils de bois aux tissus fleuris, dont certains étaient rassemblés autour de tables basses. Rupert me fit signe de m'installer puis disparut par une petite porte. En attendant son retour, je continuai d'examiner la pièce. Le papier peint était beige et décoré de petits éléments dorés que je ne parvenais pas à identifier. Des étagères remplies de livres s'alignaient contre un mur. Le long d'un autre, il s'agissait de trophées étincelants. Plusieurs autres personnes étaient présentes, mais je leur jetai à peine un regard. Mes yeux passèrent sur un homme corpulent, un autre aux étonnants cheveux roux, un troisième aux sourcils enroulés en spirale, un dernier... Je m'immobilisai soudain, revins en arrière. Dimitri était là, assis parmi ces gentlemen. Que faisait-il ici ? Faisait-il partie du club ? Qu'importait au fond, mais voilà : il m'avait vu en homme. S'il se retrouvait face à moi maintenant, malgré mon déguisement, ne risquait-il pas de me reconnaître ? J'attendis d'être sûre qu'il regarde ailleurs et changeai rapidement de fauteuil pour lui tourner le dos. Je commençai à avoir des sueurs froides et me mis à espérer que Rupert revienne vite.

Par chance, mon souhait fut exaucé. L'homme revint et me remit avec un grand sourire les trois invitations promises.

- La fête a lieu au manoir de messire Buglorn, je vous ai indiqué son adresse au dos de l'un des billets.

Voilà qui était parfait. Il ne me restait plus à présent qu'à prendre congé. Je me levai, serrant les morceaux de papier cartonné contre moi comme s'il s'agissait là d'un don précieux qui venait de m'être fait. Ce qui était en vérité le cas.

- Il faut absolument que j'annonce cela à mes amies., déclarai-je joyeusement.

Puis je baissai légèrement le ton et lui effleurai le bras du bout des doigts.

- A demain...

Rupert rougit, bégaya une réponse plus ou moins compréhensible. Avec un dernier sourire, je me détournai, puis quittai le club et m'en éloignai en vitesse. La pression de mon rôle retomba d'un coup, j'en oubliai même la peur que j'avais eue en reconnaissant Dimitri. Désormais je n'avais qu'une hâte : annoncer ma réussite au capitaine.

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Dimitri Van Lester(Sanji)

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MessageSujet: Re: Pourquoi pardonner quand on peut se venger   Pourquoi pardonner quand on peut se venger Icon_minitimeMer 21 Sep - 12:17

Le jeune Song le quitta aux alentours de 18 heures. De nouveau seul, Dimitri erra quelque temps dans les rues de Porneel. Il n’avait aucun véritable but, il flânait, observait la population et tentait, par tous les moyens, de se changer les idées. Porneel était une ville très animée, même le soir. Près du port nombre de tavernes et d’auberges faisaient un chiffre d’affaire intéressant grâce aux marins en permission qui buvait tout leur soûl avant de retrouver des filles de joie pour assouvir leur pulsion. Un sourire se dessina sur le visage du jeune noble. Ces marins le faisaient bien rire. En tant que marchands, ils arboraient, le jour du moins, une attitude irréprochable, ventant leur qualité d’honnête citoyen contrairement à ces vilains pirates qui pillaient et tuaient sans foi ni loi. Honnêtes, oui, sauf lorsqu’il s’agissait d’être fidèle à une femme ou d’augmenter frauduleusement ses marges. Les marchands, et autres vendeurs, étaient bien les rois de l’hypocrisie, et il savait de quoi il parlait. Son entourage avait toujours été attaché à un certain maintien à avoir pour ainsi renvoyer une image exemplaire au reste du monde. Et pourtant, ces apparences cachaient des aspects bien laids de leur personnalité. Il repensa à sa mère adultère, son bon à rien de père, à cette femme, brillante, qui l’avait recueilli et de nouveau, au sang. Il reprenait toujours le pas sur ses pensées vagabondes. Il secoua la tête et se mit en quête d’une taverne.

Il ne comptait pas se rendre dans les beaux quartiers, il voulait se détacher de ce monde faste dans lequel il avait vécu toute sa vie. D’ailleurs, cette nuit-là, il se ferait un plaisir de dormir à la belle étoile, un loisir qui lui avait toujours été interdit jusqu’ici. Il chercha donc un établissement qui avait un nombre d’ivrognes assez restreint pour qu’il puisse se restaurer tranquillement. L’allée principale du port ne lui fournit malheureusement pas ce dont il avait besoin. Il continua alors son exploration en passant par les ruelles et s’excentrant de plus en plus. Il finit par déboucher en lisière de forêt. Un petit lotissement de quatre maisons se trouvait en face de lui. Seule une des quatre demeures avait sa lumière allumée. En s’approchant un peu plus près, Dimitri put distinguer une enseigne sur celle-ci : Au sanglier portuaire. Il semblait pourtant s’agir d’une taverne. Pourquoi alors n’entendait-il aucun éclat de voix ? Pourquoi encore avait-elle plus l’aspect d’une habitation que d’une auberge ? Intrigué, il décida d’ouvrir la porte.

Celle-ci à peine entrouverte, il fut assailli par le brouhaha inhérent à ce genre d’établissement. Il écarquilla les yeux, mais se reprit assez rapidement. Il ouvrit le battant en grand afin d’annoncer sa présence. L’assemblée se tut tout à coup. Toutes les têtes étaient tournées vers lui et leurs sourcils froncés. Il n’y prêta que peu d’attention et avança vers le comptoir.


— Qui t’es, toi ? Comment t’as réussi à trouver cet endroit ?
— Dimitri Van Lester, je…
— Van ? T’es un noble ? Qu’est-ce tu fais ici ?
demanda-t-il de plus en plus hostile.
— Du calme, je suis juste venu me sustenter, à l’écart des ivrognes du port. Qu’importe que je sois un noble, ce soir, je ne suis qu’un client. Et j’aimerais goûter l’un de vos plats, vous m’apportez la carte ?

Le tavernier resta quelque peu pantois quelques secondes avant de reprendre son interrogatoire.

— Comment t’as trouvé cet endroit, il est indétectable, normalement.

Le jeune noble se retint de pouffer, néanmoins, il ne put empêcher l’apparition d’un sourire sur son visage. Indétectable n’était pas vraiment le mot qu’il aurait utilisé pour décrire cet endroit.

— Ça te fait rire, chien de la reine ?!
— Eh bien ! Que de véhémence dans ces propos ! Et si je vous disais que je ne suis pas d’ici, et que je n’avais cure de la reine, serait-ce une raison suffisante pour me laisser dîner ?
— Pourquoi je te croirais ?
— Excellente question, tu n’as aucune raison de le faire, mais je compte sur mon charme naturel pour jouer en ma faveur !
— Je… Je ne mange pas de ce pain-là !
s’exclama-t-il en effectuant un mouvement de recul.
— Ha, ha, ha, moi non plus, mais votre visage valait le détour. Allons, laissez-moi prendre un repas, je ne suis pas votre ennemi.

Il y eut un long silence durant lequel le chef de l’établissement le jaugea de la tête aux pieds, un sourcil relevé. Puis il poussa un soupir et déclara :

— Aujourd’hui c’est ragoût de crevette ou rôti de porc et purée de pommes de terre, et ce sera plein pot pour toi le noble, ajouta-t-il d’un ton abrupt.

Dimitri sourit et choisit le ragoût. En attendant que celui-ci lui soit servi, il se tourna face à la salle et observa les clients qui avaient repris leurs conversations, avec moins d’entrain cependant. Ils discutaient à voix basse tout en lui jetant des regards furtifs. Il croisa celui de plusieurs jeunes filles qui ne purent s’empêcher de rougir à cette interaction.

*Ah ! Je savais bien que mon charme naturel faisait encore effet !*

Il se leva et alla les rejoindre à leur table. Leur réaction ne se fit pas attendre, elles chuchotèrent entre elles tout en gloussant.

*Elles sont d’une banalité extraordinaire !* constata-t-il, réprimant un soupir.

Il s’assit avec elles, et ils commencèrent à discuter. Il employa la méthode habituelle pour obtenir des informations de n’importe quelle gourde, car ces demoiselles-là ne dérogeaient pas à ce qualificatif. Il les complimenta, les fit rire avec quelques répliques bien senties et les fit rougir grâce à son verbe noble. Comme elles n’avaient pas les armes pour résister à de telles avances, il les tint rapidement au creux de sa main et put leur demander tout ce qu’il souhaitait savoir. Cette maison avait été transformée en taverne insonorisée quelque temps après la destitution du roi. Son propriétaire avait dans l’idée de créer un endroit sûr pour que les gens puissent se plaindre loin des yeux et des oreilles de la reine. Dimitri leur demanda alors si, elles, elles avaient à se plaindre des agissements de leur souveraine. Elles hésitèrent quelques secondes, se consultant mutuellement du regard. Puis, après un signe de tête entendu, elles se lancèrent dans une liste interminable de doléances. Dès sa prise de pouvoir, la reine avait augmenté les taxes, augmenté les patrouilles de sécurité, qui visaient en fait à arrêter toutes les personnes qui pourraient s’opposer à elle. Elle leur avait retiré le droit de réunion et réduit les échanges commerciaux avec son embargo. La liste était longue et les jeunes femmes furent rapidement interrompues par le gérant qui leur lança un regard noir en apportant le dîner du jeune noble. Son dîner fut très bon, il manquait de finesse, selon lui, mais l’ensemble était tout même à la fois harmonieux et copieux. Il en avait pour son argent. Malheureusement, sa dégustation fut quelque peu gênée par le babillage des jeunes demoiselles qui ne parlaient désormais que de choses futiles et sans intérêt. Dans le but d’échapper à ses sottes qui l’empêchait, non seulement de profiter de son repas, mais aussi de ressasser les actions de la tyrannique souveraine, il engloutit son ragoût et s’empressa d’aller complimenter son hôte. Il lui régla une note faramineuse en signe de bonne foi ; puis, s’éclipsa le plus rapidement possible.

***

Le lendemain, Dimitri déambulait toujours dans les rues de Porneel, toutefois, son allure était beaucoup moins soignée. Des taches ornaient son costume ordinairement impeccable. Des brins d’herbe parsemaient ses cheveux, tandis que deux beaux cernes brodaient ses yeux. Il avait passé une nuit des plus détestables. Dans un accès de folie, sans doute, il avait décidé de dormir à la belle étoile, chose que ses parents lui avaient toujours refusée. Il s’était donc rendu dans la clairière derrière la taverne insonorisée, apparemment indétectable et s’y était installé pour la nuit. Persuadé de sa capacité à vivre au milieu de la nature, il ne se posa, au début, que très peu de questions. Il s’assit à terre et contempla les étoiles qui commençaient à apparaître dans le ciel. Puis, après une bonne demi-heure, il comprit que la nuit serait froide et qu’il serait judicieux de faire un feu. Seulement, comment devait-il s’y prendre ? Il savait déjà qu’il devait rassembler du bois, sec de préférence. Il s’exécuta rapidement, de plus, grâce à son briquet, il alluma le feu en un tournemain. Le temps allant, il commença à sentir le sommeil poindre. Il tenta de trouver une position confortable, en vain. Il rassembla donc un peu d’herbe et de mousse pour se créer un oreiller de fortune. Lorsqu’il put enfin s’endormir, il fut de nouveau assailli par ses cauchemars incessants. Il se réveilla plusieurs fois en sursaut dont une juste à temps pour éviter un feu de bois. Le mégot de cigarette qu’il avait jeté négligemment quelques instants plus tôt avait en réalité atterri au pied d’un arbre. Celui-ci avait commencé à s’enflammer lentement mais sûrement. Dimitri, à la fois réveillé par son cauchemar et par l’odeur de brûlé, il se débarrassa de sa veste en catastrophe et frappa plusieurs fois le feu avec. Après tant de péripéties, quoi de plus normal que de retrouver ce jeune noble dans un tel état.

Il passa devant un grand bâtiment où allaient et venaient nombre de bonshommes affublés, pour la plupart, de costumes et de hauts-de-forme. Il croisa un de ces gentilshommes. Il était jeune, élancé et ses cheveux bruns chatoyaient sous le soleil de dix heures. Le regard de Dimitri s’assombrit. S’il y avait une chose qu’il détestait, c’était d’être dans le même sillage que d’hommes aussi beaux, voire plus beaux que lui. Il passa tranquillement son chemin, espérant que son potentiel rival disparaisse le plus rapidement possible. Il sentit alors une main se poser sur son épaule. Il se tourna et se trouva nez à nez avec le bellâtre. Il leva les yeux au ciel tandis que son vis-à-vis détailla son visage avec la plus grande impolitesse.


— Dimitri ?
— Peut-être
, répondit-il, laconique. Vous êtes ?
— C’est moi, Vladimir, Vlad ! Tu te souviens ? On faisait les quatre cents coups ensemble quand tu venais à Luvneel !


Dimitri écarquilla les yeux, il n’avait pas reconnu un de ses amis d’enfance. Ce Vladimir était la personne avec qui il avait passé le plus de temps jusqu’à l’âge de ses dix ans environ, le moment où son instruction s’est renforcée. Après un examen plus poussé de son visage, il reconnut la lueur espiègle qui brillait dans ses yeux verts et son sourire narquois.

— C’est pas vrai ! Vlad ! Je ne t’avais pas reconnu ! Tu sais que je pestais contre toi, je déteste avoir de la concurrence ! Tu t’es bien arrangé ces dernières années dis-moi ?
— Eh bien, j’ai un nom et une réputation à tenir, désormais !
— Réellement ? Et dire que mes parents détestaient que je m’amuse avec toi sous prétexte que, je cite : « tu n’étais pas du même rang social que nous ».
— Tout ça a bien changé ! Est-ce que les rôles se seraient inversés ? Que fais-tu dans cet état ?
interrogea-t-il en remarquant son allure déplorable.
— Une bien longue histoire ! Me laisserais-tu utiliser ta salle de bain pour me rendre un peu plus présentable ?
— Bien sûr ! Enfin, ce ne sera pas vraiment ma salle de bain. Dans le bâtiment qui se trouve devant toi, le Club des Gentlemen, se trouve une aile consacrée à l’hygiène et aux soins, tu m’en diras des nouvelles ! On se retrouve dans une heure environ dans le hall, ça te convient ?
— Si ça me convient ? Vlad, la question ne se pose pas ! Conduis-moi donc dans cette aile !


Vladimir le mena avec plaisir à cette section uniquement dédiée à la détente de ces gentilshommes et le laissa entre les mains expertes de la gérante des lieux. Il prit une bonne douche puis l’une des employées s’occupa de ses cheveux. Une fois propre, il eut le droit à un divin massage d’une quarantaine de minutes. Il eut l’impression d’oublier tous ses soucis pendant ce laps de temps.
Il rejoignit ensuite son ami, qui lui avait prêté ses vêtements le temps que ceux de Dimitri sèchent, dans le hall comme prévu. Vladimir lui fit alors faire le tour du propriétaire et l’installa ensuite avec la crème de la crème de Luvneel. Dimitri ne trouva pas leur compagnie déplaisante bien qu’il s’ennuyât assez vite. Il entendit un cri et regarda par la fenêtre et un spectacle risible se déroula sous ses yeux. Une jeune femme, plutôt élégante, criait au loup à qui voudrait bien l’aider, prétendant, d’après ce que suggéraient ses gestes, à l’attaque inopinée du cheval en face d’elle. Le sourire de Dimitri s’étira lorsqu’il vit un pauvre sot mordre à l’hameçon de cette aguicheuse. Il ne se délecta pas plus longtemps de ce spectacle et retourna à la conversation.

Vladimir, voyant le peu d’intérêt que portait son ami au reste de l’assemblée, l’emmena découvrir la ville sous un angle qu’il ne connaissait certainement pas. Il lui fit goûter le meilleur alcool de la ville. Au détour d’une rue, il lui montra la boutique d’un fabricant de vitraux et fit les présentations. Il lui expliqua que chez Hector se trouvait la meilleure planque de la ville. Si jamais il avait un problème, c’était là qu’il devait venir. Ensuite, il l’emmena dans son restaurant préféré, une modeste auberge qui possédait apparemment la meilleure cuisinière de tout Luvneel, même la reine ne pouvait se vanter d’avoir un tel chef. Dimitri profita de cette remarque pour rebondir sur ce sujet qui semblait grandement l’intéresser. Vladimir ne lui apprit pas grand-chose. Selon lui, la reine avait certes durci les lois, mais c’était pour le plus grand bien de tous. Et au moins, elle ne se laissait pas vivre comme ce mollasson de roi. Dimitri pouffa intérieurement. La situation était d’un cliché. Les paysans se plaignaient, les nobles acclamaient, rien de nouveau sous le soleil, en somme. Il était heureux de retrouver Vladimir, mais cette île n’avait pas grand-chose à lui apporter. Il devrait bientôt la quitter, d’autant que la nouvelle de la mort de ses parents n’allait pas tarder à se répandre dans tout North Blue.


— Tu sais, Vlad, je pense partir dès ce soir. Tu sais comme je m’ennuie facilement et sincèrement, ta petite visite était instructive, j’ai été très content de te revoir, mais ça ne suffit pas à me contenter.
— Vraiment ? C’est vrai que tu n’as jamais pu rester en place. Pousse ta patience au moins jusqu’à demain soir, mon père organise une fête, tu pourrais venir ! En outre, Tasha n’a toujours pas de cavalier.
— Oh ! Mais c’est vrai ! Je n’ai pas pensé à te demander comment se portait la petite Natasha, toujours aussi espiègle que toi ?
— Plus encore ! À tel point qu’il lui est énormément ardu de trouver un bon parti. Mon père, pour le peu qu’il s’intéresse à nous ne cesse de la réprimander à ce sujet, je suis sûre qu’il serait ravi de la trouver à ton bras.
— Eh bien c’est d’accord, mais amène-moi d’abord à elle. Cela fait si longtemps, j’aimerais renouer avec elle aussi.
— Aucun problème ! Après le déjeuner !


Ils continuèrent leur repas rattrapant le temps perdu et discutant de tout et de rien. Dimitri fut agréablement surpris de découvrir des mets d’un extrême raffinement. Il comprenait désormais pourquoi Vladimir lui avait fait tant d’éloges.

Natasha était toujours aussi charmante, toutefois, elle avait désormais des manières bien plus gracieuses. Enfin, jusqu’à ce qu’elle reconnût son ami d’enfance. Dès lors, son naturel revint au galop tout comme son espièglerie. Dimitri comprit très vite pourquoi elle ne convenait pas aux bonshommes de l’aristocratie. Avec ses yeux espiègles et son sourire aussi narquois que celui de son frère, Natasha dérogeait aux règles imposées aux jeunes filles de la haute société. Cependant, c’était justement ça qui plaisait à Dimitri. La présence du frère et de la sœur Buglorn lui permit de passer un après-midi et une soirée des plus agréables. Lorsque Vladimir était absent, il s’était même permis de conter fleurette à la jeune Natasha qui se prit rapidement au jeu. À une heure tardive de la nuit, il alla se coucher dans l’aile réservée aux visiteurs nobles. Alors qu’il s’endormait dans un bon lit bien chaud, Dimitri comprit que même s’il voulait s’éloigner de la vie de château, il se devait d’avoir un minimum de confort.

***

Le lendemain, Natasha insista pour que Dimitri l’accompagnât faire ses achats pour la soirée qui aurait lieu le jour même. Il la taquina tout d’abord, s’étonnant de son manque de préparation, puis il accepta de la suivre. Il ne trouvait pas cette activité particulièrement désagréable, d’autant qu’il allait être en bonne compagnie. Vladimir ne les accompagna pas, il avait quelques affaires urgentes à régler apparemment. La matinée passa à une vitesse affolante. Natasha avait passé un temps considérable dans les différentes échoppes ce qui valut à leur estomac de crier famine aux alentours de 14 h.


— Enfin, Tasha ! 14 h n’est pas l’heure pour une jeune fille bien élevée de déjeuner ! la réprimanda Dimitri sur un ton faussement offusqué.
— Je vous prie de bien vouloir m’excuser très cher, répondit-elle en singeant une révérence.

Riant aux éclats, ils allèrent dans le restaurant de la veille. Ils ne retournèrent au Club des Gentlemen qu’aux environs de 16 h. Là, Natasha abandonna son cavalier. Elle comptait se faire belle pour cette soirée. Il n’en reviendrait pas, apparemment. Une fois seul, Dimitri fit quelques pas dans le hall observant les étagères de livres qui se trouvaient sur les murs. L’un d’eux était un roman intitulé : Le Rebelle Gentilhomme. Amusé par l’étrange écho à sa personne, il prit le livre, alla s’asseoir à une table et entreprit sa lecture. Très vite, il alluma une cigarette pour se mettre plus à l’aise encore, en dépit des regards assassins qu’on lui lançait. Quelques instants plus tard, deux inconnus s’approchèrent de lui.


— Monsieur Dimitri Lester ?
— Dimitri… Van… Lester
, corrigea-t-il en insistant sur chaque mot sans même relever la tête.
— Désolé, monsieur. Voudriez-vous nous suivre, je vous prie, Dimitri… Van… Lester.

Dimitri, agacé, releva la tête et détailla les nouveaux arrivant. Si l’un était frêle d’apparence, l’autre avait la carrure qui sied à l’uniforme de la garde royale dont ils étaient tous deux vêtus. Le jeune noble haussa un sourcil. Que pouvait bien lui vouloir des gardes royaux ? Dans tous les cas, il n’était pas enclin à leur témoigner le moindre respect. Le premier avait caricaturé sa façon de corriger son nom et Dimitri détestait que l’on se moque de lui.

— Et pour quelle raison devrais-je vous suivre ? reprit-il en soufflant la fumée de sa cigarette sur le visage des intrus.
— La reine Marielle désire s’entretenir avec vous.
— La reine Marielle !
s’exclama Dimitri avec emphase pour dissimuler son désarroi. Eh bien, vous pourrez dire à cette charmante reine Marielle que je suis un homme très occupé et que si elle tient à s’entretenir avec moi, il lui faudra se déplacer. Merci bien.

Il se leva sans laisser le temps à son interlocuteur de répondre et se dirigea vers la sortie, aussi rapidement qu’une marche flegmatique le permettait. Une fois dehors, il s’empressa de s’éloigner le plus possible du Club des Gentlemen. Que lui voulait la reine ? La nouvelle de la mort de ses parents avait-elle déjà atteint ses oreilles ? Les questions envahirent le cerveau de Dimitri qui ne réfléchissait plus à ce qu’il faisait. Une fois que les gardes furent hors de portée de vue, il prit un rythme plus soutenu pour sortir et s’éloigner de la ville. Une fois hors de la ville, il s’enfonça dans un chemin de forêt difficilement praticable avec quelconque carrosse, et ce fut seulement à cet instant précis qu’il s’arrêta. Il s’assit sur une souche, le souffle haletant, sentant l’idée de l’enfermement se rapprocher à grands pas. Il n’eut pas le temps de se calmer qu’il ressentit un énorme choc légèrement au-dessus de sa nuque et s’évanouit.
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MessageSujet: Re: Pourquoi pardonner quand on peut se venger   Pourquoi pardonner quand on peut se venger Icon_minitimeLun 26 Sep - 18:10

‘’Et ce gars, ce gentilhomme, que fait-il dans la vie ? Il demeure en ville ? Quel est son nom ? Tu vas nous le présenter?  Vas-tu nous quitter, te joindre à lui ? ‘’

À toutes mes questions Song répondit de façon plutôt évasive. Non, Dimitri ne lui avait rien révélé de son identité; non, il ne savait pas d’où il venait; non, il ne partirait pas avec lui. Aussi bien dire carrément de nous mêler de nos affaires. Pourtant, juste avant, il avait sauté à pieds joints sur l’idée de se procurer des invitations pour la soirée.
‘’Laissez-moi faire  !’’ avait-il lancé avec assurance,  ‘’ Je peux m’en charger ! ‘’

Comment comptait-il s’y prendre ? Je l’ignorais, par contre advenant qu’il y parvienne, il me tirerait une grosse épine du pied. Le p’tit gars me déroutait un brin. Pas facile à déchiffrer. Je m’estimais pourtant un bon juge de caractère mais son attitude le rendait illisible. Introverti et songeur, poli et serviable, il détonnait dans un groupe de pirates mal éduqués.  Par ailleurs, ce trait de sa personnalité conviendrait tout à fait à son rôle féminin. Son cornet à peine terminé, il s’éloigna sous prétexte d’avoir peu de temps pour accomplir sa ‘’mission’’.

Après le départ de Song, Gontran disparut lui aussi pour la soirée. Je me retrouvai seul. Rien de particulier ne m’attirait au centre-ville alors je retournai chez tante Rosie. Ismaël m’y attendait. Il me tira à l’écart pour me montrer les uniformes de soldats qu’il m’avait rapportés grâce à ses contacts avec la Résistance. Je vérifiai les tailles. Parfaites. Je comptais m’en servir bientôt. Au cours de la soirée nous avons encore discuté de la situation sur l’île et des moyens d’influencer le cours des événements. Tout en jasant je lui demandai s’il pouvait me mettre en contact avec un ou deux gars bien baraqués pour faire une job de bras ce samedi, en après-midi. Un travail bien rémunéré. Ismaël se proposa tout de suite. Après réflexion, j’acceptai. Valait mieux garder un œil sur ce jeunot trop prompt et volontaire à mon goût. Je craignais qu’il en vienne à servir de chair à canon juste pour prouver sa valeur. Je n’eus pas le choix de le mettre au parfum de mes intentions. La journée se termina ainsi, à siroter de la bière et discuter.
 
Le lendemain, à midi pile, Song se présenta tout sourire à notre lieu de rencontre et agita triomphalement trois billets devant nos yeux.

‘’Devinez ce que je tiens,’’ dit-il visiblement très fier de lui-même.

‘’Wow, comment as-tu fait pour dégotter ces invitations aussi vite ? Là tu m’impressionnes, garçon.’’

La mission n’avait rien d’évident et le résultat tout à son crédit. Dans une verve inhabituelle il nous raconta avoir dû se déguiser en femme et user de tout son charme pour s'attirer les faveurs d'un vieux gentlemen, marié, qui lui refila trois invitations après l’avoir entraîné au Club des Gentlemen.  Il mentionna y avoir aperçu Dimitri mais sans lui parler car il craignait de se faire reconnaître. D’autres hommes plus jeunes avaient ignoré son charme et passé outre. Son maquillage n'était pas professionnel, prétexta-t-il.

‘’Eh bien demain il le sera professionnel,'' dis-je. '' Prends un siège. Tu veux quelque chose à boire, à manger ? C’est sur mon bras. Tu l’as bien mérité. Avec ces invitations il ne nous reste qu’à fignoler nos préparatifs. Le grand jour approche. Tu vas quitter ta chambre d’hôtel.  Dès ce soir je vais t’amener à une de mes amies, Éphrénia. Elle est esthéticienne et vit seule. Je lui ai parlé de toi et l’ai payée grassement. Elle va te faire une beauté.  À 19 :00 heures demain soir un carrosse va te prendre à sa boutique. Plusieurs  femmes de la bourgeoisie fréquentent son studio donc, pas de souci, les gens ont l’habitude de voir des voitures prendre des clients à cet endroit.  Tu seras Séréna, comtesse de Lanbrosie.’’
 
‘’Comtesse de Lanbrosie ! ‘’ sursauta Song, pris soudain de panique.  ‘’ Je n’ai jamais connu de comtesse. Les comtesses s’habillent comment ? Comment dois-je me comporter ? Suis-je à la tête d’un domaine?  Et Lanbrosie, c’est où Lanbrosie ? Est-ce un lieu réel? Je dois pouvoir en parler un minimum si on m’interroge.’’

‘’On se calme ! On se calme ! Tu vas très bien t’en tirer, Song. Tu leur raconteras n’importe quoi. Tu connais l’adage : ‘’ A beau mentir qui vient de loin. ‘’Personne ne connaît ton île. Mais tu as raison, on doit se consulter au préalable pour coordonner nos mensonges. On en reparlera tout à l’heure mais faut pas trop t’en faire,  tous les mâles seront pantelants devant ta beauté, ils n’écouteront même pas ce que tu dis. Si tu choisis une autre robe nous allons te la procurer. Tout ce que tu veux pour être…éblouissante.’’

‘’ Mais ces robes valent une fortune.’’

‘’Qui a parlé d’acheter ?  Toi Gontran, tu as parlé d’acheter ? Mais non, tu vois  Song, nous allons seulement l’emprunter. Tu iras avec Gontran. Il va te montrer comment faire un emprunt. C’est un vrai magicien. Vas-y déguisé en femme et tu distrairas la marchande pour l’achat d’un chapeau pendant que Gontran ton serviteur, l’affreux bossu dans sa tunique extra large, assez vaste pour cacher un chameau, va s’occuper de la robe que tu lui auras désignée.. ‘’
''Il est vrai qu'un chapeau assorti à ma robe rehausserait mon élégance. Mais celle que j’ai prise de Valaskomir ferait bien l’affaire, vous savez. ‘’
‘’À toi de voir Song. Si tu penses qu’elle fait l’affaire, mets-la, sinon achètes-en une. Et un chapeau, des souliers, s’il t’en faut. Ne t’en fais pas, tu auras l’argent pour ces effets, gracieuseté de ton ami Valaskomir.

‘’C'est vrai, un chapeau complèterait avantageusement ma tenue mais les souliers, est-ce vraiment nécessaire ? J’ai tellement l’habitude de mes bottes ! Des souliers délicats pourraient compliquer ma démarche. ‘’

‘’Écoute, tu en discuteras avec Éphrénia, elle est de bon conseil. Moi je n’y connais rien. Au magasin tu pourras faire l’essai de différentes chaussures et en tester le confort. Je ne voudrais quand même pas qu’on se moque de mon épouse. N’oublie pas, ta beauté rendra les autres femmes jalouses et elles ne manqueront pas de sauter sur le moindre accroc pour te ridiculiser. Eh oui, bienvenue à la bourgeoisie, le monde de l’apparence, du superficiel et de l’égocentrisme. 

Une fois Song rassuré, nous avons parlé de son île, l’avons testé dans son rôle de comtesse et mis au point nos versions.  Après un passage à l’hôtel pour rassembler ses affaires puis un détour au magasin de vêtements pour compléter sa tenue, je l’accompagnai jusqu’à la boutique d’Éprhénia où il reçut mes dernières instructions et encouragements :

‘’Demain pendant la journée, fais ce que tu voudras mais une fois changé, ne sors plus. Personne ne doit te voir. D’accord ? Ne t’en fais pas, tu vas t’amuser avec Éphrénia. Elle est très simple et très gentille. N'oublie pas, demain ça passe ou ça casse. Alors, dors bien cette nuit.‘’

‘’ Mais je vais lui raconter quoi à Éphrénia ?

‘’Raconte-lui n’importe quoi, ce qui te passe par la tête. Arrête de t’en faire. Tout va bien aller. ‘’
 
***************
 Au matin du grand jour tout baignait dans l’huile. Le soleil brillait dans un ciel bleu mur à mur. Tous les auspices auguraient pour une journée magnifique. Nous avions les invitations, Song avait tout ce qui lui fallait, Gontran m’avait assuré de faire sa part et Ismaël avait réservé les services de deux gaillards de ses connaissances.  Ils devaient se rendre disponibles en après-midi entre 14 et 17 heures. Je viendrais les chercher en temps et lieu. Passé 17 heures, l’opération serait annulée. Dans la ville, les gens vaquaient à leurs occupations; les boutiques faisaient de bonnes affaires. On ne sentait pas vraiment l'oppression. Personne ne nous posait de questions. Il faut dire que les gens de la ville avaient l'habitude de côtoyer de nouveaux visages en raison du tourisme, véritable vache à lait pour le budget de la municipalité.

Une bonne parie de l'avant-midi servit à composer mon ensemble vestimentaire pour la soirée. Il me fallait faire preuve de bon goût afin de passer pour un vrai gentlemen. Une fois satisfait de mes choix et repu d'un bon ragoût de lièvre pour le repas du midi, je me rendis en ville pour louer un carrosse. Plusieurs compagnies offraient le service de voiturage. Les petites bourses s’accommodaient du coche, moins prestigieux et peu confortable. Je choisis un  carrosse très classe, sans cocher et tiré par un seul cheval.  
 
À 14 h 30, les costumes de soldats rangés dans un compartiment sous un siège du carrosse, je m’installai avec Gontran à une table d’un restaurant avec vue sur le Club des Gentlemen de l'autre côté de la rue. Nous avions deux heures de libre pour attendre l’individu que je voulais appréhender. Il se montra à 15 h 50, dans les délais, accompagné d'une demoiselle qui lui fit un bisou et le quitta à la porte du club. Je laissai Gontran au restaurant pour surveiller et je partis avec le carrosse chercher Ismaël et ses comparses. Une fois de retour Gontran me rejoignit dans le carrosse et nous revêtîmes les uniformes de soldats. Peu après nous entrions dans l’immeuble logeant le Club des Gentlemen. Je scannai l’intérieur de la salle. L’individu s’y trouvait assis seul à une table à lire un bouquin, une cigarette au bec.

*Voilà donc notre professeur de danse dans toute sa splendeur, pensai-je. On doit bien l’admettre, le gars a belle apparence, de beaux habits. Mais l’habit ne fait pas le moine. Que fait-il en réalité ? Pour ce qu’on en sait, il s’adonne peut-être au trafic d’organes. Vraiment je ne vois pas pourquoi Song s’est pâmé pour ce beau parleur. Je pourrais aussi porter de beaux habits et prendre des poses théâtrales. Mais ça me paraît tellement superficiel et prétentieux. Enfin, passons ! Il ne le sait pas encore mais Dimitri Lester va me rendre un fier service. Quand la marine va lui coller au cul pour le meurtre dont il se verra accusé, le professeur de danse va tomber de sa superbe, je vous en passe un papier. Ça lui apprendra à venir jouer dans les plate-bandes des autres. *

Tout en ruminant ces pensées hostiles, je m’approchai du personnage:
‘’Monsieur Dimitri Lester ?’’

‘’Dimitri … van…  Lester, '' corrigea-t-il en insistant sur chaque mot sans même relever la tête.

’’Désolé monsieur. Voudriez-vous nous suivre, je vous prie,  Dimitri …van… Lester, ‘’ dis-je sans trop peser sur la particule de noblesse pour ne pas l’irriter. 

‘’Et pour quelle raison devrais-je vous suivre ?’’ reprit l'homme sur un ton de défi, soufflant effrontément sa fumée dans nos visages.
Franchement, je réprimai une envie féroce de l’écorcher vif.

‘’La reine Marielle désire s’entretenir avec vous. ‘’
Je prononçai la phrase à voix haute pour que tout le monde l’entende. Je visais à flatter publiquement son ego pour lui faire croire en notre respect.

‘’La reine Marielle ! ''s’exclama-t-il.  ''Eh bien, vous pourrez dire à cette charmante reine Marielle que je suis un homme très occupé et que si elle tient à s’entretenir avec moi, il lui faudra se déplacer. Merci bien.''

‘’ Comprenez que nous sommes de simples soldats de sa Majesté la Reine. Nous..''

Je n'eus pas le temps de finir ma phrase que le zigoto s'empressa vers la sortie nous laissant sur place comme des pions. Le pourchasser ne faisait pas partie de mes plans, par conséquent j'hésitai à prendre la décision mais pour sauver la face devant les clients de la place, je partis derrière lui. À l'extérieur, les hommes dans le carrosse nous pointèrent la direction de sa fuite. Je leur signalai en retour de patienter. Qu'avait donc à cacher ce Dimitri pour fuir de la sorte ? L'invitation de la reine aurait dû le flatter et non l'épouvanter. Sa conscience le rongeait sûrement, pas de doute là-dessus. Nous le suivîmes de loin, à contrecœur. Il coupait à travers les ruelles aux limites de la ville et emprunta un chemin de halage. Nous restions en retrait, cachés derrière un hangar. Nous pouvions le voir s’éloigner. Il se dirigeait directement vers les montagnes où peu de gens osaient s'aventurer par crainte des rebelles planqués dans cette forêt. On parlait même de cannibales dans plusieurs légendes urbaines. Quand je le vis quitter le chemin et s’engager en pleine forêt, j'eus bien envie de le laisser filer. Après tout, il n'était pas indispensable à mes plans. Il nous fallut marcher cinq minutes avant d’arriver à l’endroit où il avait quitté la route. Je m’arrêtai et signalai à Gontran de garder le silence. On pouvait entrevoir notre homme à travers les branches, une vingtaine de mètres plus loin, assis sur une souche. Il croyait sans doute nous avoir semé. Tout à coup je vis deux hommes surgir de l’arrière d’un buisson, s’approcher de lui et lui asséner un vilain coup de gourdin. Je me précipitai dans le sentier, Gontran derrière moi.

‘’Lâchez cet homme,’’ criai-je en tirant un coup de feu dans les airs.

Aussitôt les malfrats s'enfuirent, sans doute intimidés par nos costumes de soldats. Dimitri gisait par terre. Un peu de sang tachait ses cheveux à l'arrière de la tête mais il respirait encore. Nous l'avons donc soulevé et transporté hors de la forêt puis allongé sur le gravier.

 ''Ok Gontran, je vais le surveiller. Donne-moi ton pistolet au cas où ces voyous rappliquent. Retourne et ramène le carrosse au plus vite.''

Les bandits n'avaient pas eu le temps de lui voler son argent. Je pris le tout avec ses papiers d'identité. Dimitri marmonnait des mots incompréhensibles. Je l'assis par terre et le secouai par les épaules:
''Asteure, écoute-moi ben, toé. Tu m'as assez fait chier pour aujourd'hui. Oublie pas qu'on vient de te sauver la vie. Si tu bouges un poil, je te redonne aux cannibales, compris?

Je l'examinai de plus près.
''À bien te regarder, les cannibales n'auraient pas grand chose à se mettre sous la dent.  Tu serais tout juste bon pour faire une soupe. ‘’

Dimitri ne réagit pas à mon humour. Au fond, le gars me faisait pitié. Il n'avait pas choisi sa condition de noble, pas plus que moi la mienne. Nous étions nos bourreaux et nos victimes à la fois. Victimes de nous-mêmes, de notre nature humaine et jamais ça ne changerait. Nous étions si prompts à mépriser les différences sans songer un seul instant que nous étions tous de la même espèce, des membres d’une même famille. Je soulevai le menton du prisonnier encore dans les vapes.

‘’ Alors, c’est quoi t’as à cacher mon bonhomme ? Tu peux le dire à tonton Crevette, tu sais.  Vider ton p’tit cœur. Il est gentil tonton Crevette. Il t’a sauvé la vie.’’

Le carrosse apparut à l’autre bout du chemin. Quelques minutes plus tard on a soutenu Dimitri jusqu'à la voiture. Mes complices le tirèrent alors à l’intérieur, le ligotèrent, lui mirent un bandeau pour l’empêcher de crier et enfilèrent une cagoule sur sa tête.

'' Vous panserez sa plaie une fois là-bas mais ne le détachez pas et laissez-lui le bandeau. C’est un beau parleur, il serait bien capable de vous entourlouper. .''

Je montai alors sur le siège du conducteur et les déposai dans un cul de sac où ils traînèrent Dimitri dans un bâtiment délabré. Un repère de la Résistance d'après les deux lascars. Je dis à Ismaël de revenir avec moi et aux deux autres de séquestrer le prisonnier pour douze heures avant de le remettre en liberté sans explication. Ils ne devaient en aucun cas lui faire de mal sinon adieu leur prime.

Nous avions perdu trois quarts d'heure avec cette poursuite mais en dépit du succès mitigé de l’opération, il restait amplement de temps pour reprendre notre souffle, décompresser, manger, me changer avant l’heure prévue pour prendre Song.

À 19 heures précises le carrosse s’arrêta devant la boutique d’Éphrénia. Ismaël le conduisait assisté de Gontran. Aussitôt, une jeune femme richement vêtue sortit de la boutique et s’avança vers le carrosse. Je mis un moment pour reconnaître Song. Je m’empressai de sortir de la voiture et lui tendit la main pour l’assister à monter à bord. Gontran émit un sifflement.

‘’Vous êtes très jolie, Comtesse, dans votre robe de bal. Pardonnez les manières de ce rustre siffleur et permettez à l' humble roturier devant vous de soutenir votre bras.’’

‘’Votre galanterie n’a d’égal que votre élégance, mon brave, ‘’ rétorqua la demoiselle d’une voix mélodieuse. 

Ma foi, je méritais le compliment. Vêtu d’une chemise safran et d’un pourpoint de cuir ocre lacée sur le devant, d’un pantalon ample et de bottes de corsaire, je me défendais bien. Je l’aidai à passer sa jupe gonflée à travers la portière et montai derrière elle. Je  m’assis sur le banc en face de So…Séréna. Deux coups sur le mur de la cabine et le carrosse se mit en branle. J’examinai attentivement Séréna. Difficile à croire une telle métamorphose ! Bien malin qui eut deviné la vraie nature de la personne cachée sous les traits de cette jeune fille au visage d’un ange. Je n’en revenais tout simplement pas. 

‘’Mais comment elle a fait pour te donner des seins ?’’

‘’Vous ne voyez que la partie du haut,’’ dit Séréna en tassant un châle ténu recouvrant ses épaules dénudées.  ‘’La chair est remontée pour donner l’effet de bombage et dessous c’est du rembourrage. Ephrénia est une vraie artiste.’’

‘’Impressionnant ! Puis-je toucher ?’’ dis-je en allongeant mon bras.

Song réagit vivement en repoussant ma main.
‘’Mais non !  Comment osez-vous, grossier personnage ? ‘’

Sa réaction aussi imprévue que spontanée m’amusa. Il prenait vraiment son rôle au sérieux. Je devais en faire autant.
‘’Mais je suis votre époux très chère, ce qui devrait m’octroyer certains privilèges. En théorie, à tout le moins. Oh j’oubliais. J’ai passé à la bijouterie pour vous, ‘’dis-je en sortant  un collier de la poche de ma veste. ‘’Une comtesse sans bijou est comme une huître sans perle. ‘’

La chaîne en or supportait trois pendentifs finement ciselés sertis de diamants. De celui du milieu, plus massif,  pendait une pierre précieuse taillée en forme de larme projetant des reflets turquoises.

‘’Comme vous êtes galant mon époux. Il est superbe. Il a dû vous coûter une fortune.''

‘’Non pas vraiment, seulement un bras, mais ce n’était pas le mien. Je plaisante, chère Séréna, mon cœur. Laissez-moi placer ce collier autour de votre cou. Sa  beauté ajoutée à la vôtre, vous causerez un malheur. Tous les hommes se traîneront à vos pieds.’’

‘’Vous le croyez ? Vous le dites honnêtement ?  Je fais une belle femme ?’’

‘’ Vous l’êtes, à n’en pas douter. Tellement que j’ai du mal à croire… oh , nous arrivons déjà, une dernière chose à vous dire. Vous serez présentée en tant que ma fiancée pour ne pas décourager les prétendants. Vous savez, les comtesses sont réputées pour être volages, voire libidineuses. Alors exercez votre charme sans retenue et si l’occasion se présente, séduisez le duc et faites-lui miroiter le projet de monter à sa chambre. Faites-le languir jusqu’au départ des invités. S’il mord à l’hameçon, ….’’
 
Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase. Le carrosse s’arrêta à l’entrée du manoir fermé par un portail à battants en grillage massif. Un gardien s’approcha pour vérifier la validité des invitations puis ouvrit le portail. Il donnait sur un jardin magnifique agrémenté d’arbres fruitiers, de plantes décoratives, de haies taillées et de rocailles fleuries. À partir de l’entrée un chemin de dalles serpentait à travers l’aménagement paysager puis contournait une imposante fontaine en étages superposés au centre de la cour. L’eau giclait du sommet de la fontaine et cascadait d’un niveau à l’autre pour alimenter un grand bassin où un couple de cygnes flottait calmement suivi d’une ribambelle de cygnons.  Le chemin menait éventuellement à un grand portique, un ouvrage en saillie composé de colonnes finement sculptées supportant une toiture au fronton décoré de personnages en bas-reliefs. Le carrosse s’arrêta devant le portique. J’en descendis le premier et offris ma main à Serena, ma fiancée. Un portier aimable et courtois, vêtu d’un costume gris sombre impeccable nous souhaita la bienvenue et nous précéda sur la galerie. Il poussa ensuite les portes de bois massif ouvrant sur un énorme vestibule de toute beauté. Le plancher de marbre, les vitraux décorés de paysages, des statues de bronze, des fresques murales, des amphores antiques,  je n’avais jamais vu autant de richesses concentrées au même endroit. Un long couloir à traverser par la suite et nous arrivions à la salle de bal.  Nous avions sauté le repas exprès pour nous présenter en milieu de soirée. J’estimais ainsi que les invités auraient moins de temps pour démasquer notre imposture.
manoir:
‘’Qui dois-je annoncer?’’ demanda cérémonieusement le présentateur à l’entrée de la salle.

‘’Sire Dimitri van Lester et sa fiancée Séréna, comtesse  de Lanbrosie.’’
Séréna me regarda en fronçant les sourcils.

‘’Que faites-vous ? Qu’est-il arrivé à Dimitri ?’’

‘’Rien de bien grave, très chère. Il s’est endormi. Il supporte très mal la boisson. Pourquoi vous inquiéter?  Vous avez des sentiments pour lui ?’’
 
Dans la salle une centaine de personnes, au bas mot, vêtues comme des vedettes de cinéma papotaient, un verre à la main; d’autres dansaient sur une musique lente. Séréna attira tous les regards, ce qui me permit de passer quasiment inaperçu dans mon costume relativement sobre. Je vis tout de suite les hommes la reluquer et les femmes se comparer à elle. Le corsage de sa robe, serré près du corps, d’un blanc immaculé enjolivé de fleurs brodées, accentuait l’harmonie de ses courbures. La jupe jusqu’à fleur du sol  drapée de larges plis et d’une couleur plus foncée équilibrait admirablement son chapeau à larges rebords. Un châle en mousseline très souple et d’une transparence subtile couvrait ses épaules nues et filtrait son décolleté juste assez pour agacer les regards indiscrets. De longs gants blancs couvrant tout l’avant-bras complétaient l’ensemble de son habillement.  Je la regardai. Elle était trop belle, elle susciterait la jalousie, voire l’hostilité. Malgré tout, je faisais confiance à Séréna, à son charisme, à la douceur de sa voix pour amadouer les plus réticentes. Ces chipies verraient en elle moins une rivale qu’une confidente.  Même les mégères ajustant leurs monocles, regroupées sur un divan comme des pies sur une branche, ne trouveraient rien à lui reprocher. Nous avions ajusté nos flûtes au sujet de nos mensonges et bombarder Song de questions sur son rôle de comtesse. Il s’en sortait très bien. Il apprenait vite à mentir, comme un pro, comme une vraie femme.
Séréna:
 À une extrémité de la salle, près de la table de hors-d’œuvre, Buglorn discutait avec le maire Labroque, personnage archi-connu car installé à la mairie depuis toujours. Je franchis sans hâte la distance qui m’en séparait, saluant au passage les inconnus, acceptant un verre ou échangeant des propos de courtoisie avec l’un ou l’autre. Je n’étais pas dupe, les hommes m’approchaient pour zyeuter ma fiancée. Tôt ou tard le contact avec le duc devait se produire malgré mon aversion pour l’homme. 

‘’Je me présente, Dimitri van Lester. Faire la connaissance de Victor Buglorn, le meilleur ingénieur de North Blue est pour moi un honneur inestimable ! Votre réputation dépasse largement les frontières de Luvneel. Quelle merveilleuse soirée. Je vous en félicite. Et cette salle ! Un chef-d’œuvre d’architecture.''

‘’Merci du compliment monsieur…Lester. Dimitri van Lester, dites-vous ? Vous savez, j'ai bien connu votre père, dans le temps. Je ne me souviens pas qu'il ait mentionné votre existence. Par contre mon fils Vladimir parlait souvent de son grand ami Dimitri. ''
Je fus brièvement déstabilisé. Dans le temps ? Son fils Vladimir ! À quand remontait leur dernier contact ? Vladimir et moi, copains ? Un frisson me traversa l’échine. Je marchais sur des œufs aux coquilles très fragiles.

''L'omission ne me surprend guère. Enfant, je fus un véritable poison. Une peste insupportable. Père pouvait à peine souffrir ma présence. J'ai tellement hâte de revoir Vladimir. ''

''Je l'attends à tout moment. Il aura de la peine à reconnaître son grand copain. Quant à moi, je vois peu de ressemblance du fils avec le père que j'ai connu. ''

''Vous n'avez pas tort et l'enfant adopté que je suis a longtemps déçu son bienfaiteur mais père m'a trouvé d'autres qualités... avant sa mort.''

''Votre père est décédé ! ? ''

J'ignorais tout de Dimitri, s’il fut adopté ou si son père vivait encore mais Buglorn aussi, à l'évidence. À son tour d'être déstabilisé.
''Oui hélas. Désolé de vous l'apprendre si brusquement. J'ignorais que vous fûtes amis. Nous aurons l'occasion d'en discuter j'espère, même si la vision de mon père amaigri et fiévreux, agonisant dans une mare de sang, me cause un spasme au cœur. ''

''Quelle horrible nouvelle. J’en suis bouleversé.''

''Mais la vie continue n'est-ce pas et par la suite j'ai fait fortune sur l'île où j'ai rencontré ma fiancé Séréna qu'il me tarde de vous présenter. ''

J'avais hâte d'en venir à Séréna pour sortir de ce nid de guêpes. Il pouvait me tendre un piège à tout moment et démasquer ma supercherie. Si jamais le doute sur ma véritable identité s'incrustait dans son esprit , tout était fichu. La tactique rapporta des dividendes. Je le vis dans les yeux d Buglorn. L’allure virginal de Séréna lui tendant timidement sa main lui titilla le cœur. La brebis était trop belle. Le loup salivait. 

'' Quelle est donc cette île où vivent de si belles créatures. '' prononça-t-il en s'inclinant pour baiser la main gantée.

Je n'existais déjà plus pour lui. Profitant de la diversion, je prétextai reconnaître un ami et m’excusai, laissant Séréna seule avec Buglorn. Je la plaignis de devoir supporter la présence et peut-être les avances de ce salaud mais il s’agissait d’une étape cruciale au succès de notre plan. Nous avions simulé diverses mises en scène pour coincer Buglorn. Je préférais celle dans lequel Séréna parvenait à le séduire et lui faire espérer une nuit de luxure inoubliable. Imaginez un peu le scénario suivant : une fois dans la chambre avec lui,  Séréna parvenait à mettre dans le breuvage du duc un sédatif tiré de l’essence d’une plante hallucinogène;  le duc amorti et confus, je pénétrais alors à partir du balcon; Séréna se retirait, son rôle prenait fin à ce moment-là. Mais maintenant ce beau plan risquait de tomber à l'eau à cause de ma bourde monumentale. Comment avais-je pu faire preuve de pareille étourderie? Quel amateur ! Même le plus minable des tueurs professionnels aurait à tout le moins pris des informations sur sa cible. La solution  pour me tirer d’affaire?   Il ne fallait pas que ce Vladimir me trouve. Je m'informai pour les toilettes.

'' Les cabinets d'aisance ? ‘’répondit d’une voix hautaine un aristocrate amusé de mon manque de raffinement.  ‘’ La porte rouge là-bas. ‘’

Après vingt minutes je commençais à taper du pied. Je n'allais pas passer la soirée dans les chiottes quand même. Je décidai d'en ressortir. Je me planquai derrière une énorme plante pour épier les mouvements dans la salle. Un sommelier avec un cabaret chargé de verres de boissons s'orientait dans ma direction. Comme je m’avançai pour l’intercepter, je butai contre un jeune homme dans la vingtaine.

''Pardonnez-moi, j’étais distrait. Je ne vous ai pas vu.'', bafouillai-je, confus.

''Pas de mal mon ami. Vous pouvez peut-être m’aider? Je cherche un ami, un certain Dimitri Van Lester, le connaîtriez-vous ?'' me demanda-t-il en m’examinant de la tête au pieds.

*Holy shit, pensai-je, ce gars c'est... Vladimir Buglorn, le grand copain de Dimitri. J'en mettrais ma main au feu. * L’effet du choc passé je répondis :  ‘’Oh... pardonnez mon cafouillage, vous me rappelez tellement un ami d'enfance que j'en reste pantois. Hélas non, je ne connais pas ce Dimitri, je m'en excuse. Un bon copain je présume ? ‘’

‘’Oui, un grand ami d'enfance. Je suis impardonnable, je ne suis pas présenté : Vladimir Buglorn le fils aîné de Victor, l'hôte de cette soirée. À qui ai-je l'honneur de m'adresser ?

''Je me nomme Dimitri également. Dimitri Vandervann, avec deux n. Enchanté de connaître le fils de notre hôte.  S'il m'arrive de croiser un gentlemen de ce nom, je vous en ferai part, soyez-en assuré.''  
L'homme me remercia, tourna les talons, s'arrêta puis revint.

'' Je vous trouve très sympathique. Auriez-vous l’amabilité de m'accompagner pour un verre ? Je ne peux rester très longtemps. Ces soirées d'une autre génération ont le don de m’horripiler et j'ai un autre engagement pour ce soir. Je pourrai certainement retrouver Dimitri demain. ‘’

L’idée de l’entraîner dehors, le tuer et le cacher sous un buisson me traversa l'esprit.  Quelle relation ce Vladimir avait-il entretenu avec Dimitri le danseur ? Qu'avait-il en tête en m'invitant? Me trouvait-il à son goût ?

'' Moi je cherche ma fiancée’’ , dis-je pour mettre les choses au clair. ‘’Cette salle est tellement grande. Une vache y perdrait son veau. Mais j’accepte avec plaisir votre invitation de prendre un verre. Que diriez-vous de sortir de cette fournaise et s'installer à l'extérieur pour discuter ?

Nous avons parlé une quinzaine de minutes. Très affable, Vladimir m’invita à son ranch. Il adorait les chevaux et organisait dans les prochaines semaines une chasse au sanglier. J’acceptai l’invitation et après une franche poignée de main Vladimir s’excusa de devoir partir. Sa décision me soulagea. J’aurais un meurtre de moins sur la conscience.

Après m’être assuré de son départ, je retournai dans la salle. Le danger Vladimir écarté je pus respirer plus à l’aise. La fête allait bon train mais cette société ne m’intéressait guère et je me lassais d’observer ces gens aux allures de marionnettes. Pour me changer les idées j’invitai Séréna à danser. Ma mère nous avait appris cette danse en vogue,  une variante du  menuet, archi-simple, sans contact et limité à une séquence de pas sautillants. Au dire d’une vieille dame se déplaçant à l’aide d’une cane, nous formions un beau couple. Je m’amusai à le croire. En fait, je me plaisais en la compagnie de Séréna, ce qui commençait à m’inquiéter d’ailleurs.
 
Au fil des heures, des invités plus âgés prirent congé les uns après les autres. Des couples de jeunes se bécotaient, affalés sur des divans disposés dans un coin de la salle; ailleurs des hommes d’âge mûr lorgnaient les candidates pour une aventure d’un soir avant la fin du jour. Et le temps passait. Puis l'orchestre se tut. Sur le plancher de danse, deux jeunes hommes se criblèrent d'insultes et la bagarre éclata. Les invités les entourèrent et bientôt deux gardes du corps accoururent pour séparer les belligérants. J'en profitai pour me déguiser en courant d’air et sortir de la salle pour explorer le manoir. À mon étonnement je ne croisai aucun garde. Il n’y avait plus personne pour surveiller. Je pus même monter à l’étage et parcourir les corridors. Personne en vue. Je me sentais comme chez moi. Je passai par la cuisine et pigeai dans les restes du repas. Sous un couvercle de marmite je découvris des cuisses de poulet ! Quel veinard ! Je les adorais froides. J’en mis quatre dans une assiette de carton et sortis à l’extérieur. Même la piscine n’attirait personne. Silence total ! Quelle heure pouvait-il bien être ? Avant ou après minuit ?

En contournant la piscine j’entendis un bruit de froissement provenant des buissons et je sentis un contact derrière le mollet. Je me retournai.
‘’Rex! C’est toi mon beau Rex ! Tu m’as reconnu. Je ne t’ai pas oublié, tu sais. ‘’
Je le flattai derrière les oreilles. Grisou adorait ça.
‘’Tu as faim mon beau Rex? 
Je m’assis dans l’herbe. Rex s’allongea à côté de moi et je lui présentai une cuisse de poulet. Il la prit poliment entre ses dents, sans me mordre.   
‘’La prochaine fois je t’apporterai une énorme côte saignante. Je te le promets. ’’
Je n’avais pas ma potion mais je crois qu’il me comprenait quand même. Je restai un bon moment avec lui.

La suite des événements bouscula les étapes de mon plan et aurait pu tout faire foirer. Gontran avait laissé un câble pendre de la balustrade du balcon du deuxième étage. Je m’y suspendis pour en tester la solidité. Satisfait, je grimpai sur le balcon de la chambre de Buglorn. Je notai que mon sabre s’y trouvait appuyé contre le mur. J’avais seulement l’intention de m’exercer car Buglorn se trouvait certainement en bas avec ses invités. Je testai quand même les portes de la terrasse. Elles n’étaient pas verrouillées. Je décidai d’entrer  subrepticement et d’inspecter la pièce faiblement éclairée par une veilleuse jaune. Je faillis ne pas l’apercevoir. Je figeai sur place et  clignai des yeux plusieurs fois pour m’en convaincre. Étais-ce l’œuvre de Séréna ? Dans un enfoncement de la chambre, dans une sorte d’alcôve, le duc reposait en caleçon, son corps graisseux profanant la beauté d’un canapé de style médiéval. Que faisait-il là ? Pourquoi avait-il senti le besoin de se reposer avec des invités encore dans la salle? Attendait-il quelqu’un ? Était-il ivre, drogué ? Peu m’importait la réponse à ces questions, la scène dépassait toutes mes espérances et je n’aurais jamais une autre chance comme celle-ci. Je sortis en douce sur le balcon et agrippai mon sabre. Un accès de fébrilité d’une violence étonnante provoqua des frissons partout dans mon corps. J’avais attendu ce moment si longtemps ! L’heure de la vengeance avait sonné ! Je pris le temps de me calmer pour ne pas faire de bêtises. Alors je m’approchai de la masse de chair et poussai la pointe de mon sabre contre sa gorge. Le duc ouvrit mollement ses yeux porcins. 

‘’Réveille-toi gros cochon. ‘’

‘’Hein ! Qui vous a laissé… où est… ? ’’

‘’ Ma fiancée? Non, je ne viens pas pour elle. Tu te souviens du nom Aristide Valkez ? Il était cent fois meilleur que toi et tu ne pouvais l’égaler. Alors tu as payé tes assassins pour monter une accusation bidon de viol et le faire pendre devant son épouse, ses enfants, devant mes yeux. Ça fait quinze ans aujourd’hui même … et tu vas mourir.''

‘’Vous êtes fou ! J’ai… oui, je me souviens… il avait violé …’’

‘’Ne gaspille pas ta salive, nous connaissons tous la vérité. T’inquiète, tu ne souffriras pas. Tu n’en vaux pas la peine. Je veux juste libérer la planète de ta sale pourriture. ‘’
 
Je prononçai ce verdict d’un ton égal et sans plus de discours j’enfonçai mon sabre dans sa gorge, sectionnant carrément l’œsophage. Le cochon porta ses mains à son cou. Il suffoquait, cherchant de l’air pour ses poumons mais la lame bloquait le passage. Le cochon se débattit, tenta de sortir la lame de son cou mais le sang noyait ses poumons. Sa peau prenait une teinte bleutée, quasiment ravissante. Cette couleur lui allait bien ! Sa bouche ouvrait puis fermait, ses yeux pulsaient, sortaient pratiquement des orbites. Un spectacle émouvant ! Puis le cochon cessa de bouger. Je retirai la lame. Le sang avait maculé le tissu du riche canapé. J’en fus attristé ! Je sortis le sac en toile imperméable dissimulé dans mes pantalons.  Je voulais rapporter un souvenir de cette expérience mémorable. En sortant par la terrasse je laissai tomber près du rideau le papier d’identité de Dimitri, un indice important pour identifier l’ignoble assassin.
Au bas Rex attendait.

‘’Tu n’as plus de maître Rex. Tu as déjà songé à te faire pirate ?''
 
Je cachai mon colis près d’un buisson et retournai jeter un œil dans la salle. Séréna n’y était plus. Seuls quelques fêtards invétérés tardaient à dégager. Certains dormaient sur les divans. Où était Séréna ? J'aurais aimé la chercher mais il me fallait encore trouver le moyen de sortir de la propriété avec mon colis sans me faire pincer. Elle se débrouillerait. Je n'en doutais pas. Pas question pour moi de flâner dans les parages plus longtemps
 
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